ART
Je
sens,
Grand Palais/Réunion des musées nationaux, 2024, 32 p. 11€90 ; J’imagine,
Grand Palais/Réunion des musées nationaux, 2024, 32 p. 11€90 ; Je chante, Grand Palais/Réunion des
musées nationaux, 2024, 32 p. 11€90.
Louer
encore et encore cette si belle collection de « l’art à tout petits
pas », le détail d’un tableau avec un sens (Je sens mais
Je chante), une faculté cognitive (J’imagine). Sur
la page de gauche, un texte, simple, sous forme d’historiette ou d’anecdote ou
de comptine ou de chanson ou de poème qui prend prétexte de la peinture pour
ensuite élargir le champ de l’imaginaire. Dans tous les cas, pour Je
chante les jeux sonores, phonétines dominent quand dans J’imagine,
en face des détails de peintures de Picasso, un texte d’incipit à la fois
désigne le motif dessiné et invite à poursuivre librement son histoire. Pour Je
sens, le texte bref interprète ou commente le tableau invitant l’enfant
à en faire tout autant, voire à s’interroger sur la motivation du texte proposé
par l’ouvrage.
Chaque
livre est formidable en ce qu’il sollicite l’attention de l’enfant tout en
initiant son regard. On le pense pour les petits mais des élèves des classes
élémentaires y trouvent une grande satisfaction tout en pouvant être
parfaitement autonome dans la lecture. Les membres de huit à douze ans de la
commission Lisez jeunesse ont tous manipulé le livre avec intérêt.
L’intérêt
de la collection et de ces trois livres est aussi dans le contenu pictural des
albums. En effet, il y a là, même si ce n’est pas l’objectif direct de la
collection, une propédeutique à l’esthétique picturale qui contrevient au flux
continu d’images regardées ou vues par les enfants sur les écrans. Il semble
qu’on s’interroge peu, dans notre société, sur les effets qu’ont les images
numériques et notamment les photographies mises en ligne sur le regard, sur
l’intelligence du regard. Il ne fait pourtant pas de doute que s’exerce là une
éducation à l’image, certes par induction, mais avec quelle puissance de
façonnage quand on sait combien elles se donnent pour une norme iconique.
Serait-il exagéré de parler d’abandon des enfants à ce type d’images mainstream ?
Pour éduquer à l’image, la littérature destinée à la jeunesse a un rôle
important à jouer et qu’elle joue, grâce à la place donnée aux illustrations,
grâce à l’inventivité des éditeurs pour proposer des supports livresques
souvent remarquables. La collection « l’art à tout petits pas »
y tient une place de choix. Elle y ajoute tout un travail de transmission des
travaux des peintres et ce lien avec les musées est vraiment à louer. L’image
s’acoquine avec le texte qui lui fait miroir bien que les deux aillent chacun
en liberté. Les images sollicitent ainsi des mots pour se dire et la dire, elle
se fait texte et le texte la redit, en quelque sorte, la dit ou
l’imagine en invention de phrases, en imagination de prolongement
textuel. Lire s’est regarder, savoir lire sera donc savoir regarder. La
collection « l’art à tout petits pas » sort de l’usage
instrumental de l’image, puisqu’elle appelle le texte à s’invente par l’image
et non s’appuie sur l’image pour comprendre le texte.
Nota
bene :
sur cette collection, lire le blog https://lisezjeunessepg.blogspot.com/
du 29/12/2023.