Anachroniques

28/04/2019

Parce qu’on s’abandonne au rêve, sachons nous abandonner à la pensée vive

Jiki Kuro, La Femme du potier, HongFei, 2019, p. 14€50
Voici un remarquable album de Kuro Jiki alias Thierry Dedieu. La progression chromatique des pages correspond aux douze épisodes qui constituent ce récit. C’est un conte, celui d’une femme d’un potier reconnu dans un monde imaginaire de ton orientalisant. Il est interdit à la femme d’entrer dans l’atelier du mari. Mais celle-ci est curieuse, attirée par la création. Elle va peu à peu kidnapper de la terre et des matériaux et, se cloitrant dans une cabane au fond du jardin, elle va s’essayer, elle aussi, à la création.
Bientôt, elle dépasse l’art de son mari, elle crée librement des formes nouvelles d’une sensibilité non convenue. Et elle supplante celui-ci dans la vente des œuvres, devenant alors la créatrice du foyer et le mari l’adjuvant domestique. Les rôles se sont inversés. L’album aurait aussi pu s’appeler « le mari de la céramiste ». La fin de l’album s’ouvre donc sur la libération de la femme.
Un examen approfondi met à jour le thème du pouvoir dans la cellule familiale comme thème central. On remarquera aussi, que l’album ne laisse pas entrevoir une autre issue que celle de rapport de domination dans le couple. L’évolution chromatique au cours de l’album, qui épouse les sentiments du potier, notifie l’enfermement dans ce thème. Il n’en reste pas moins que l’ouvrage sensibilise à la question de l’émancipation des femmes. Il montre que c’est toujours au contact des autres que la personne trouve les éléments pour transformer sa vie et se transformer elle-même.
La richesse du graphisme et celle du jeu chromatique s’allient à la luxuriance des traitements du thème de la domination dans un album qui évite tout superflu pour stimuler le jugement critique du jeune lectorat.

Guéraud Guillaume, La face cachée du prince charmant, illustrations Henri Meunier, éditions rouergue, 2019, 40 p. 15€
Le caviardage est une technique connue par sa pratique avec la censure : on enlève des passages d’un texte qui sont jugés inconvenants, subversifs, antipatriotiques… Le caviardage c’est aussi une technique littéraire. Il s’agit alors de supprimer des mots ou des fragments de mots ou des lettres dans un texte mais en faisant en sorte que le texte nouveau ainsi créé avec les mots conservés fassent sens. Le caviardage fait ainsi surgir un nouveau texte d’un texte de base. De là provient l’adjectif « cachée » du titre du dernier ouvrage de Guéraud et Meunier.
L’album repose sur une composition par paire de doubles pages. Expliquons. Sur la première double page se trouve un texte narratif en vis-à-vis d’une illustration colorée ; sur la deuxième le même texte est reproduit, mais cette fois-ci avec des pans entiers caviardés c’est-à-dire biffés, barrés, raturés, bref recouverts de noir et rendus de ce fait illisibles ; en vis-à-vis on trouve une image à fond noir mat qui illustre la nouvelle scène ainsi créée. Bref, le caviardage consiste à créer un texte par soustraction de mots. Pour les illustrations, le procédé utilisé par Henri Meunier ne relève pas du caviardage mais plutôt de l’antithèse.
Un autre effet de la composition est la peinture du portrait du « prince charmant » qui s’avèrera paresseux, poltron, maladroit, geignard, sale, et au final comme tout le monde. Ce sont les pages réalisées par le caviardage qui dressent en fait le portrait. On s’aperçoit alors que les auteurs ont choisi de donner un texte de base qui dresse une situation et de donner à la page caviardée et à son vis-à-vis dessiné le rôle de caractériser le personnage.
La lecture se fait ainsi jeu comme est ludique la technique du caviardage pour l’écrivain. De plus, si l’album bellement édité par le rouergue est destiné à des enfants dès 4 ans, les plus âgés s’en régaleront tout autant. Surtout, qu’on peut les amener plus aisément à pratiquer eux-mêmes le caviardage et ensuite à le confronter à celui réalisé par Guéraud. Mine de rien, c’est faire entrer l’enfant dans la fabrique du texte, car la soustraction est tout autant que l’addition une opération centrale de toute écriture.
Avec les enfants de tous les âges, on gagnera aussi à interroger le jeune lectorat sur le pourquoi de la transformation des images entre celle du texte premier et celle du texte caviardé.
Bref, cet album, aux allures dévastatrices pour les mots, est jubilatoire et pousse, justement, à la plus grande attention des mots …

Jackowski Amélie, Chut ! Il ne faut pas réveiller les petits lapins qui dorment, éditions rouergue, 2019 28 p. 14€
Explorer le silence, pour évoquer le sommeil, pour apprivoiser la venue de la nuit, pour se déprendre de l’angoisse du noir. Le noir est justement le fond de la couverture duquel apparaît une lune aux yeux fermés, aux traits reposés, à la bouche close souriante. Le titre crée tout de suite la distance : il ne va pas s’agir de toi tout petit enfant, il va s’agir de petits lapins endormis. Chaque double page est un chef d’œuvre de composition. La première par exemple : page de gauche, le plan rapproché d’une forêt en ne laisse paraître que les troncs des arbres stylisés, au centre un champignon luminescent ; page de droite des étoiles formant la grande ourse. L’art est minimaliste, en rien figuratif mais suffisamment évocateur pour ouvrir au rêve. Les couleurs sont sombres. Au bas, courant sur les deux pages, un bandeau bordeaux sur lequel est inscrit le texte : « l’odeur de la forêt se glisse sous un volet ». Le décalage entre les mots, ceux de la voix qui lit et l’image onirique regardée crée un télescopage sans violence, juste suggestif d’un univers enrichi de sensations. Il s’agit du procédé poétique de la mise en relation de deux réalités qui n’avaient jusqu’ici jamais été réunies. En même temps, le texte prépare la double page suivante et l’entrée dans une maison.
Tout l’album est à cette aune : justesse de la composition, intelligence des rapprochements, douceur des tons, élargissement du perceptif à l’aperceptif. L’enfant à qui on lit l’ouvrage vagabonde, en toute liberté. L’album se fait ainsi balade calme pour conter le matin qui vient, les objets au repos dans la nuit, le ciel peuplé des mythes.
Le graphisme, les collages et peintures représentent des scènes ou paysages immobiles ; les figures abstraites, quand elles surviennent, invitent à fouiller la matérialité des signes picturaux (ou formés par les collages). L’autrice ne manque pas de solliciter l’attention visuelle du jeune lectorat. Ainsi, la voie lactée sur une double page se retrouve dans la suivante, mais à l’intérieur de la pupille d’un œil stylisé. Un bol de lait blanc, sur une double-page, appelle, dans la suivante, la silhouette noire d’un chat. La phrase qui sert de titre à l’album est illustrée, au milieu du livre par la représentation d’un lapin, par l’ombre d’un jeu de main et du poignet. En sa représentation animale figurative, la grande ourse qui dort sur une couette se retrouve, la page tournée, réduite en sa silhouette noire avant d’être absorbée par le ciel étoilé.
Tout dans l’album est une invitation faite au petit enfant à s’abandonner à la nuit pour rejoindre le rêve, le pays du songe. Chut ! Chef d’œuvre…

Philippe Geneste

22/04/2019

Les contes en actualité

Souliman Ludovic, Ah, ça… j’y avais pas pensé ! Illustrations de Bruna Assis Brasil, Utopique 2018, 24 p. + CD 22mn
Voici un très bel album augmenté d’un conte musical avec chants de belle facture. L’ouvrage a pour thème la lutte contre l’uniformisation des vies. Le vecteur de ce combat pacifique est la solidarité. Le récit est composé à partir d’une mise en abyme. L’album emballe d’autant plus qu’il rend à revers le discours sécuritaire qui, aujourd’hui, est devenu la norme suintant du discours du socialisme gouvernemental d’il y a peu au discours macroniste via le mariniste et celui du républicanisme patriotique... Un vieux monsieur est délogé de chez lui, sa maison étant hors des normes urbaines et interdisant à quelques promoteurs immobiliers de prospérer. Alors le vieux monsieur s’en va, la photographie de son épouse morte dans la poche, le grillon de son mur dans sa valise. En chemin, va se tisser une guirlande de solidaire protectrice entre le grillon et le vieil homme, le vieil homme et un squat, le squat et un sans abri, le sans abri et une petite fille mendiante, la petite fille et une poupée en tissu, la poupée et le grillon… la ronde de la solidarité remplace ainsi la sécurité car la protection est œuvre humaine quand le sécuritarisme n’est qu’œuvre d’exclusion et de discrimination.
Le texte de Ludovic Souliman fouille ainsi le particulier, l’indéfinissable singulier pour le transformer en une humanité générale. Le CD vient apporter crédit à cet humanisme combattant mêlant vibraphone, voix, claviers, percussions, samplers et conteur. Les images de l’illustratrice brésilienne, qui usent du procédé du collage donnent une dimension imitative au propos de la solidarité et de l’entraide constructrice qui portent l’histoire. Est-ce un conte ? Oui, un conte urbain qui appelle le jeune lectorat à travailler son imaginaire pour se détourner des stéréotypes de la vie sociale et pouvoir, peut-être, un jour, ouvrir un horizon humain de paix et de rencontre avec ce qui compose la vie : le minéral, le fabriqué, l’animal, l’enfance, la vieillesse, la matière et la poésie.

Aymon Gaël, Blanche-Neige, illustrations Peggy Nille, Nathan, 2018, 32 p 16€90
Toute relecture contemporaine des contes traditionnels est un indice d’actualité et d’actualisation de mythes ancestraux en transformation perpétuelle. Que ce soit la lecture pour la réécriture du conte par Gaël Aymon ou que ce soit l’illustration graphique par Peggy Nille, l’ouvrage donne lettres de noblesse à l’adaptation comme re-création. Quand on ouvre une nouvelle édition de Blanche-Neige, évidemment, le regard précède la lecture du texte. Les dessins sont soignés, proches d’un art-déco simplifié. En effet, le trait précis et les contours présents autour des figures donnent lisibilité au foisonnement esthétique. Quand ce dernier prend le pas, c’est en relation avec l’histoire, pour faire disparaître un personnage dans le paysage de la forêt. La somptuosité de l’exécution transporte la lecture dans l’espace mental d’une réalité sans référence réelle.
Le cadrage est confié au dessin, souvent avec feuilles et plantes ou fleurs. Les couleurs se réduisent au rouge qui claque en irruption sur le noir et blanc de l’œuvre. Encore la volonté de lisibilité, mais aussi une abstraction lyrique qui rejoint à merveille l’écriture nouvelle de Gaël Aymon. Nous parlons d’abstraction parce que les couleurs auraient pu noyer l’histoire par leur magnificence.
Mais il y a plus. Les références des illustrations de Peggy Nille vont à l’espace, l’espace imaginaire du conte et non l’espace réel. Les motifs décoratifs de même soulignent l’univers de fiction qui est proposé. Aucune emphase, ici, juste la singularité des traits et parfois de grands aplats noirs. Et c’est, une nouvelle fois, en accord harmonieux avec le texte de Gaël Aymon. Ainsi, la mère jalouse est obsédée par son miroir de vérité et elle va en perdre la notion du temps. La mère mourra, seule, enfermée dans son reflet, perdue au fond de ses obstinations égoïstes.
Ce que le texte d’Aymon apporte à la version traditionnelle, c’est la richesse d’un intertexte en quête d’une modernité au sens d’une adaptation à la vie contemporaine de l’histoire de Blanche-Neige. Ici point de marâtre, mais, comme dans la version première des frères Grimm (1812), une mère. Ici point de père brimé, mais un père couard aux penchants incestueux. Même si, au départ, fond solide et essentiel, est donc la version de Grimm, Gaël Aymon convoque aussi Pouchkine et bien d’autres interprétations contemporaines comme celle de Calvino mais aussi des plus anciennes inspiratrices des frères Grimm : Richilde de Musäus (1782)*. Il y a, également, propre à l’auteur, la création d’un univers enfantin où règne le magico-phénoménisme, les arbres parlent, le vent renseigne le prince en quête de la princesse disparue. Tout s’anime comme le sentiment par lequel s’ouvrent les cheminements de l’homme et de la femme d’humanité.
Philippe Geneste


14/04/2019

Contre la loi du phajaan, sortir de la relation de domination entre l’homme et l’animal

Jean-François Chabas, La loi du Phajaan, Didier jeunesse, 2017, 116 p., 13, 50€

Résumé :
Kiet est un enfant de l’ethnie des Thaïs né en 1953. Il est le descendant de Paithoon, un « mahout » très connu. Les hommes « mahouts » dressent les éléphants dont ils participent à la capture. Ils les asservissent et s’en font obéir tout au long de leur vie. Aujourd’hui, Kiet a 64 ans et il témoigne de ce qu’ils ont vécu, lui et son éléphant.
En 1963, son père, Lamon, est un chasseur si cruel que son humanité et sa douceur semblent s’être volatilisées à jamais. Il est très autoritaire et a décidé de la destinée de son fils. Ce dernier doit devenir un « mahout », comme lui. Alors que Kiet n’est âgé que de 10 ans, Lamon organise une expédition avec des hommes du village pour capturer un jeune éléphant. Pour cela, les « mahouts » appliquent la loi du « phajaan », qui signifie « broyer ». Il s’agit d’une pratique visant à briser l’esprit de l’éléphanteau capturé pour qu’il ait peur, à jamais, des humains. Lamon fait preuve d’imprudence en décidant de capturer un jeune éléphant de 8 ans, déjà assez fort (habituellement les éléphanteaux sont capturés entre 1 et 5 ans), sans prendre en compte les réticences de ses camarades. L’un des chasseurs se fait tuer lors de la capture en tirant maladroitement sur la matriarche du troupeau, qui fait tout pour protéger le jeune ciblé par les chasseurs. Mais l’éléphante est tuée à son tour ainsi qu’une deuxième femelle. En moyenne, pour un éléphanteau capturé, trois ou quatre adultes se font tuer.
L’éléphant est entravé par les chasseurs qui exécutent sur lui le « phajaan » pendant plusieurs jours : ils le privent d’eau, de nourriture et de sommeil, le laissent enchaîner, le frappent… Beaucoup d’éléphanteaux meurent pendant le phajaan. Certains deviennent incontrôlables ou fous et sont tués.
Mais le jeune mâle est coriace et Lamon, admiratif, le nomme « Sura », qui veut dire « brave ». Il ordonne à son fils de participer activement au phajaan. Kiet obéit à contrecœur et est de plus en plus choqué et sensible au sort de Sura. Plus de cinquante ans plus tard, il exprime ses regrets de ne pas avoir réussi à libérer celui qu’il considère comme son meilleur ami. Alors que son père dort, il lui donne à boire en cachette et refuse de le frapper. Mais la volonté d’un enfant de 10 ans ne suffit pas face aux « mahouts » et au poids de la tradition. Sura finit par être capturé et ramené au village. Les éléphants dressés y servent pour accomplir de lourds travaux.
Cinq années s’écoulent pendant lesquelles la relation entre Sura et Kiet est de plus en plus fusionnelle. Un jour, Sura tue l’un de ses gardiens, un homme violent. Pour ne pas que son éléphant soit tué, Kiet décide de s’enfuir avec lui.
Nomades, ils travaillent chez différentes ethnies. En 40 ans, ils ne restent jamais plus de 10 jours d’affilé quelque part. En 1976, alors qu’il a 23 ans, Kiet essaie de libérer son éléphant dans un espace où il a aperçu des éléphants sauvages. Mais cela ne marche pas, Sura a définitivement perdu sa famille d’origine et est très attaché à Kiet.
Alors qu’ils vieillissent ensemble, Kiet décide de retourner dans son village d’origine, ses parents et les bourreaux de Sura n’étant plus là et la loi du phajaan ne s’appliquant plus là-bas. Grâce aux nouveaux moyens de communication, il entre en relation avec des associations protégeant les animaux.

Mon avis :
Ce livre est un roman qui peut aussi être lu comme un documentaire sur cette tradition méconnue dans le monde occidental qu’est le phajaan. Sa lecture m’a bouleversée tant j’étais loin de m’imaginer combien l’être humain peut être cruel. Si les mahouts s’attaquent physiquement à Sura (en le frappant, en l’étranglant…), celui-ci souffre aussi d’être arraché à sa mère, à son troupeau et à son environnement.
Si à l’époque de Kiet les éléphants servent à accomplir les lourds travaux du village, aujourd’hui ils servent surtout à divertir les touristes. Comment se fait-il que la pratique du phajaan demeure malgré le fait que les éléphants sont une espèce aujourd’hui menacée ? Lors de la capture, Kiet met beaucoup en avant l’intelligence de Sura, le lien unique qui les unit ainsi que les interactions entre les éléphants du troupeau. Cela creuse davantage le fossé entre la tristesse et l’impuissance que l’enfant ressent et la tyrannie de son père qui ne se rend pas compte que son fils est bouleversé. Les éléphants sont des animaux pacifiques, ce qui contraste avec la violence et la brutalité des mahouts. En plus, la capture de Sura est très dangereuse pour les chasseurs, l’un d’entre eux se fait d’ailleurs tuer.
Je recommande vivement ce livre, assez court, qui se lit très facilement et offre une lecture à la fois émouvante et instructive.

Milena Geneste-Mas

07/04/2019

Quand les fantômes du réel sortent des cases

Smale Holly, Geek Girl. De geek à chic, adaptée en BD par Laureen Bouyssou et illustrée par Chiaretta, Jungle, 2018, 48 p., 10,95 euros.

Résumé
Harriet Manners est une adolescente qui se caractérise elle-même comme une « geek », c'est-à-dire une fan des nouvelles technologies peu douée pour les relations sociales. Un jour, elle soutient son amie d'enfance, Nat, et l'accompagne à la mode expo de Birmingham. Nat adore la mode et veut devenir mannequin, au contraire d'Harriet pour qui la mode n'a pas d'intérêt. Mais ce jour là, tout bascule ! C'est Harriet, et non Nat, qui est repérée par une agence de mannequin. Et, en plus, elle va se rendre compte, lors d'un shooting photo, qu'elle aime bien ça ! Elle est aussi un peu amoureuse de son partenaire, Nick, mannequin depuis longtemps et neveu de Yuka, directrice de création. D'abord jalouse, Nat va finalement soutenir son amie qui assume d'être à la fois « geek » et mannequin !

Mon avis
Cette BD se lit très facilement, les dessins sont bien faits. Si la personnalité des personnages n'est pas très complexe, j'ai bien aimé le fait que l'héroïne finisse par être une mannequin tout en assumant son côté « geek », sans avoir besoin de choisir entre les deux.
Milena Geneste

dargent Nathalie, Colaone Sara, Les Inséparables. Les parents de Lucas divorcent, illustrations de Yannick Thomé, éditions Milan, 2018, 45 pages, 10€
Une BD didactique sur la situation du divorce. L’histoire explique les problèmes qui se posent dans cette situation. Et c’est très clair et très vrai, proche des situations vécues. La commission a trouvé ce livre très intéressant et certains d’entre nous des reflets de la réalité.

Pignocchi Alessandro, Petit traité d’écologie sauvage. La Cosmologie du futur, Steinkis, 2018, 128 p. 14€
Tout commence par une campagne présidentielle avec des mésanges pour perturbateurs à la sphère politique. Dans ce monde où la nature a disparu, plantes et animaux sont devenus des partenaires sociaux. Cet ouvrage, sous forme quasi exclusive de dialogues par juxtaposition de vignettes, se termine avec Proust dissertant sur la bande dessinée et de fil en aiguille quittant l’univers bourgeois de ses livres pour devenir membre de la communauté Jivaro. Une postface offre en petit traité d’écologie sauvage en partant notamment de l’expérience de la ZAD de Notre Dame des Landes.

Bird Elléa, Le Fantôme de Canterville, d’après Oscar Wilde, Jungle, 2018, 64 p. 12€95
Voici une interprétation humoristique de l’univers britannique de 1887, quand un diplomate américain et sa famille s’installent au château de Canterville. Le découpage du récit initial de Wilde est intéressant, privilégiant la dimension humoristique qui sied à cette parodie du roman gothique anglais. Les dessins, où se mêlent encre et tablette graphique, sont efficaces, ne cédant pas au trait en vogue des mangas et fouillant au contraire l’historicité et la nature de l’univers de Wilde. L’accompagnement du fantôme dans le jardin de la Mort pour y trouver enfin la quiétude de son existence est particulièrement réussi.

Willems Mo, Gerald et Peggy. Deux amis qui s’adorent!, Bayard, 2018, 45 p.
La bande dessinée s’adresse aux petits enfants de 6 à 8ans. Elle repose sur un couple que tout oppose : Peggy est dessinée sous les traits d’un petit cochon et Gérald sous celui d’un éléphant ; Peggy est fonceuse, gaie, insouciante ; Gérald est prudent, sérieux, soucieux. L’album est composé de deux histoires sur le thème de l’amitié. Il démontre l’importance de la relation de confiance pour avancer dans la vie sans prendre peur du monde environnant. L’auteur-illustrateur a choisi de ne dessiner que les personnages avec très peu de représentations des alentours. La bande dessinée se donne donc pour centralité la relation entre les deux personnages et repose sur un anthropocentrisme très courant (trop ?) dans la littérature destinée aux enfants.

Ferrand Tanguy, Renz, DracTexto maudit. Tome 1 Le Défi, Jungle, 2018, 54 p. 11€95
Un jeu lors d’une soirée entre amis. Roxane, Alice, Sacha et Tidiane sont tous des préadolescents avec leurs portables. Le jeu consiste à contacter l’au-delà au 9696. Ce qui est jeu tourne alors au cauchemar car leur vie est en jeu. Tout cela à cause du texto envoyé qui les embarque dans des arcanes dont ils ne maîtrisent pas les chemins. Derrière le récit fantastique dessiné, une question d’actualité est posée. La commission a bien aimé et attend avec impatience le tome 2. Le scénario de Tanguy Ferrand est stimulant, les dessins de Renz avec les couleurs de Drac donnent corps à l’effroi.
Commission lisezjeunesse