Début septembre est un bon moment pour s’approprier le contenu d’ouvrages qui peuvent servir durant l’année scolaire tout en n’étant ni des livres d’école ni des livres para-scolaires. Nous en recommanderons trois :
Thinard Florence, Combres Elisabeth, Pourquoi la guerre ? Comment la paix ?, préface de Mémora Hinterman, Gallimard Jeunesse, 2010, 112p., 19€95 - à partir de 13 ans.
Propagande, commerce des armes, périodes de l’attente, celle des conflits, des négociations internationales, période de la reconstruction, vie des soldats, des populations civiles, détails sur le statut de réfugiés, sur les casques bleus, rôle et intervention des humanitaires, des journalistes. La partie « voir » propose 72 photos avec commentaires développés. La partie »comprendre » décortique les enjeux internationaux, nationaux économiques, historiques de quelques conflits et c’est, bien sûr, la partie la plus sujette à caution car le parti pris humanitaire empêche les auteures de porter leurs regards vers les conflits de classe à l’échelle nationale ou planétaire, et donc à biaiser avec la réalité des enjeux. Du coup, se trouve évacuée une bonne partie des causes de certains conflits. Enfin, la partie « Agir » donne des adresses, des pistes et des « solutions concrètes pour aider les jeunes à construire une paix durable pour demain » : là on est dans l’idéologie pure, où le parti pris individualiste vient faire croire aux enfants qu’ils ont un poids dans ces conflits. Il aurait fallu, pour cela, présenter et approfondir la notion de militantisme, livrer les différenciations entre l’engagement humanitaire et ses sources de financement et l’engagement politique et ses ressorts de solidarité. Le livre fait croire que la solidarité se décline par l’humanitaire. Or, ce qui s’est passé et se passe en Haïti nous montre combien cette entrée masque ce que nous appellerons par euphémisme un engagement rémunérateur. La solidarité a, un autre nom, l’internationalisme. On s’étonne que dans un ouvrage ayant une partie historique, cet aspect n’ait droit à aucun chapitre.
Ces critiques étant faites, le livre par sa belle composition et facture, l’abondance des informations qu’il contient est un ouvrage solide : mais qui préviendra l’enfant du parti pris des auteures ?
Thinard Florence, Combres Elisabeth, Les 1000 mots de l’info pour décrypter le l’actualité, illustrations et infographies par station OMD et Olivier Charbonnel, nouvelle édition mise à jour, La documentation française – Gallimard Jeunesse, 2010, 64 p., 21€ - à partir de 13 ans
Le sous-titre a changé, passant de pour mieux décrypter le discours de l’actualité à pour décrypter le l’actualité. Il y a une volonté de coller au réel et de prendre des distances avec les médias auquel le livre viendrait se substituer. Mais, bien sûr, c’est un discours sur l’actualité internationale, sociale, politique, économique, écologique, où on retrouve l’axe central des droits de l’homme et de la citoyenneté avec une volonté d’apparaître neutre en terme de classe sociale, ce qui reste un leurre : le livre ne part pas du point de vue des exploités pour rendre compte de l’actualité. Ceci étant dit, l’ouvrage est une somme d’une utilité certaine pour les jeunes. La maquette est particulièrement efficace, avec des explications fouillées. Par rapport à l’édition précédente, ce volume contient de nouvelles entrées, une dizaine si nous avons bien compté, une nouvelles rubriques thématiques (l’élection présidentielle), de nouveaux portraits. C’est un dictionnaire de l’actualité en France et dans le monde. Cela explique probablement son immense succès, mais un succès mérité. Tous les Centre de Documentation et d’Information doivent posséder au moins un exemplaire de l’ouvrage.
Bourreau Clara, Du Côté des impressionnistes. Journal de Pauline 1873-1874, Gallimard jeunesse, collection Mon Histoire, 2010, 121 p. 7€95 - 12/15 ans
L’histoire des arts ayant fait son entrée à l’école, avec une improvisation surprenante, l’ouvrage de Clara Bourreau –co-signataire de la série télévisuelle passée sur Canal + à la rentrée 2010 concernant cette période de la fin du dix-neuvième siècle– pourrait, le cas échéant rencontrer l’intérêt de certains élèves de quatrième et surtout de troisième. Pour écrire ce faux journal intime d’une fille de 14 ans, l’auteure s’est appuyée sur les richesses du musée d’Argenteuil. L’héroïne est née dans une famille bourgeoise. Elle aspire à devenir artiste. C’est ainsi, à travers elle et la vie de son frère et de son ami Léopold, étudiant aux Beaux-arts et dont elle est amoureuse, que l’ouvrage aborde un pan de l’histoire des arts. Son père est médecin et Monet chef de file des « indépendants » fait partie de sa clientèle. La jeune fille va se construire en opposition intellectuelle avec celui envers qui elle ressent des sentiments mais qui prône un art académique. Elle, au contraire, trouve intérêt à l’étrangeté des couleurs et des peintures de ce mouvement alors avant-gardiste qu’on allait appeler l’impressionnisme. Ainsi, apprentissage amoureux et apprentissage intellectuel pictural s’entremêlent.
Parfois, le documentaire inclus, par sa composition un élément de récit. Ainsi, le livre de Pinto Deborah, Mon Cirque à toucher, Milan, collection Docus à toucher, 2011, 16 p. 13€50. Les doubles pages imposent au lecteur accompagnateur de l’enfant de raconter ce qui se passe sur els images. Pourtant, le livre est bien conçu comme un documentaire. Ca se déplie, ça s’ouvre, on touche et la sensation varie d’une figure à l’autre. On suit des magiciens, des lions, des clowns, des acrobates etc. Mais ceci n’est pas un récit ni l’histoire d’un cirque. C’est un documentaire sur le cirque. Alors les vignettes sont accompagnées de définitions, de précisions, bref, une sorte d’imagier où des textes minuscules explicatifs auraient été substitués aux mots désignant les réalités représentées par les images. Ce lien qui s’impose pour la lecture entre récit et documentaire ne nous montre-t-il pas, comme nous l’avons déjà remarqué, que le documentaire pour els petits gagne à passer par la fiction.
D’autres fois, la fiction se fait documentaire. C’est le cas avec Smith Lane, C’est un livre, Gallimard jeunesse, 2011, 40 p. 11€.
Cet auteur-illustrateur américain use d’un trait naïf humoristique pour faire l’apologie du livre. La composition repose sur le dialogue entre un âne et un singe. L’âne utilise l’ordinateur, et interroge le singe qui lit un livre. De cette confrontation, apparaît d’abord la multiplicité des usages de l’ordinateur auxquels le livre ne donne aps accès mais dont il est aussi affranchi (code ‘accès, pseudo identifiant etc.). Peu à peu, l’âne se prend à l’histoire du livre, c’est celle de l’Île au trésor. On regrettera, peut-être que l’âne soit mis en position ridicule, stéréotypie bien mal venue pour cet animal. On s’interrogera, sûrement, sur le rapprochement, lui aussi stéréotypé, du singe et de l’homme. En revanche, l’historiette engage de riches débats avec les petits certes mais aussi avec les plus grands. Chaque mot est chargé d’humour et d’interrogations essentielles ; chaque trait, chaque détail de l’illustration porte la même charge de riche questionnement. Cet album est une contribution de la littérature de jeunesse en faveur du livre de papier ; c’est un manifeste pour une culture du temps, une culture qui mette de la distance avec l’agitation induite par l’usage des nouveaux médias et nouvelles technologies de l’information. C’est un livre contre la culture du clic ; un clin d’œil à une définition du récit comme réalité de durée et de chronologie imaginaires. L’imaginaire contre le virtuel, en quelque sorte.
Thinard Florence, Combres Elisabeth, Pourquoi la guerre ? Comment la paix ?, préface de Mémora Hinterman, Gallimard Jeunesse, 2010, 112p., 19€95 - à partir de 13 ans.
Propagande, commerce des armes, périodes de l’attente, celle des conflits, des négociations internationales, période de la reconstruction, vie des soldats, des populations civiles, détails sur le statut de réfugiés, sur les casques bleus, rôle et intervention des humanitaires, des journalistes. La partie « voir » propose 72 photos avec commentaires développés. La partie »comprendre » décortique les enjeux internationaux, nationaux économiques, historiques de quelques conflits et c’est, bien sûr, la partie la plus sujette à caution car le parti pris humanitaire empêche les auteures de porter leurs regards vers les conflits de classe à l’échelle nationale ou planétaire, et donc à biaiser avec la réalité des enjeux. Du coup, se trouve évacuée une bonne partie des causes de certains conflits. Enfin, la partie « Agir » donne des adresses, des pistes et des « solutions concrètes pour aider les jeunes à construire une paix durable pour demain » : là on est dans l’idéologie pure, où le parti pris individualiste vient faire croire aux enfants qu’ils ont un poids dans ces conflits. Il aurait fallu, pour cela, présenter et approfondir la notion de militantisme, livrer les différenciations entre l’engagement humanitaire et ses sources de financement et l’engagement politique et ses ressorts de solidarité. Le livre fait croire que la solidarité se décline par l’humanitaire. Or, ce qui s’est passé et se passe en Haïti nous montre combien cette entrée masque ce que nous appellerons par euphémisme un engagement rémunérateur. La solidarité a, un autre nom, l’internationalisme. On s’étonne que dans un ouvrage ayant une partie historique, cet aspect n’ait droit à aucun chapitre.
Ces critiques étant faites, le livre par sa belle composition et facture, l’abondance des informations qu’il contient est un ouvrage solide : mais qui préviendra l’enfant du parti pris des auteures ?
Thinard Florence, Combres Elisabeth, Les 1000 mots de l’info pour décrypter le l’actualité, illustrations et infographies par station OMD et Olivier Charbonnel, nouvelle édition mise à jour, La documentation française – Gallimard Jeunesse, 2010, 64 p., 21€ - à partir de 13 ans
Le sous-titre a changé, passant de pour mieux décrypter le discours de l’actualité à pour décrypter le l’actualité. Il y a une volonté de coller au réel et de prendre des distances avec les médias auquel le livre viendrait se substituer. Mais, bien sûr, c’est un discours sur l’actualité internationale, sociale, politique, économique, écologique, où on retrouve l’axe central des droits de l’homme et de la citoyenneté avec une volonté d’apparaître neutre en terme de classe sociale, ce qui reste un leurre : le livre ne part pas du point de vue des exploités pour rendre compte de l’actualité. Ceci étant dit, l’ouvrage est une somme d’une utilité certaine pour les jeunes. La maquette est particulièrement efficace, avec des explications fouillées. Par rapport à l’édition précédente, ce volume contient de nouvelles entrées, une dizaine si nous avons bien compté, une nouvelles rubriques thématiques (l’élection présidentielle), de nouveaux portraits. C’est un dictionnaire de l’actualité en France et dans le monde. Cela explique probablement son immense succès, mais un succès mérité. Tous les Centre de Documentation et d’Information doivent posséder au moins un exemplaire de l’ouvrage.
Bourreau Clara, Du Côté des impressionnistes. Journal de Pauline 1873-1874, Gallimard jeunesse, collection Mon Histoire, 2010, 121 p. 7€95 - 12/15 ans
L’histoire des arts ayant fait son entrée à l’école, avec une improvisation surprenante, l’ouvrage de Clara Bourreau –co-signataire de la série télévisuelle passée sur Canal + à la rentrée 2010 concernant cette période de la fin du dix-neuvième siècle– pourrait, le cas échéant rencontrer l’intérêt de certains élèves de quatrième et surtout de troisième. Pour écrire ce faux journal intime d’une fille de 14 ans, l’auteure s’est appuyée sur les richesses du musée d’Argenteuil. L’héroïne est née dans une famille bourgeoise. Elle aspire à devenir artiste. C’est ainsi, à travers elle et la vie de son frère et de son ami Léopold, étudiant aux Beaux-arts et dont elle est amoureuse, que l’ouvrage aborde un pan de l’histoire des arts. Son père est médecin et Monet chef de file des « indépendants » fait partie de sa clientèle. La jeune fille va se construire en opposition intellectuelle avec celui envers qui elle ressent des sentiments mais qui prône un art académique. Elle, au contraire, trouve intérêt à l’étrangeté des couleurs et des peintures de ce mouvement alors avant-gardiste qu’on allait appeler l’impressionnisme. Ainsi, apprentissage amoureux et apprentissage intellectuel pictural s’entremêlent.
Parfois, le documentaire inclus, par sa composition un élément de récit. Ainsi, le livre de Pinto Deborah, Mon Cirque à toucher, Milan, collection Docus à toucher, 2011, 16 p. 13€50. Les doubles pages imposent au lecteur accompagnateur de l’enfant de raconter ce qui se passe sur els images. Pourtant, le livre est bien conçu comme un documentaire. Ca se déplie, ça s’ouvre, on touche et la sensation varie d’une figure à l’autre. On suit des magiciens, des lions, des clowns, des acrobates etc. Mais ceci n’est pas un récit ni l’histoire d’un cirque. C’est un documentaire sur le cirque. Alors les vignettes sont accompagnées de définitions, de précisions, bref, une sorte d’imagier où des textes minuscules explicatifs auraient été substitués aux mots désignant les réalités représentées par les images. Ce lien qui s’impose pour la lecture entre récit et documentaire ne nous montre-t-il pas, comme nous l’avons déjà remarqué, que le documentaire pour els petits gagne à passer par la fiction.
D’autres fois, la fiction se fait documentaire. C’est le cas avec Smith Lane, C’est un livre, Gallimard jeunesse, 2011, 40 p. 11€.
Cet auteur-illustrateur américain use d’un trait naïf humoristique pour faire l’apologie du livre. La composition repose sur le dialogue entre un âne et un singe. L’âne utilise l’ordinateur, et interroge le singe qui lit un livre. De cette confrontation, apparaît d’abord la multiplicité des usages de l’ordinateur auxquels le livre ne donne aps accès mais dont il est aussi affranchi (code ‘accès, pseudo identifiant etc.). Peu à peu, l’âne se prend à l’histoire du livre, c’est celle de l’Île au trésor. On regrettera, peut-être que l’âne soit mis en position ridicule, stéréotypie bien mal venue pour cet animal. On s’interrogera, sûrement, sur le rapprochement, lui aussi stéréotypé, du singe et de l’homme. En revanche, l’historiette engage de riches débats avec les petits certes mais aussi avec les plus grands. Chaque mot est chargé d’humour et d’interrogations essentielles ; chaque trait, chaque détail de l’illustration porte la même charge de riche questionnement. Cet album est une contribution de la littérature de jeunesse en faveur du livre de papier ; c’est un manifeste pour une culture du temps, une culture qui mette de la distance avec l’agitation induite par l’usage des nouveaux médias et nouvelles technologies de l’information. C’est un livre contre la culture du clic ; un clin d’œil à une définition du récit comme réalité de durée et de chronologie imaginaires. L’imaginaire contre le virtuel, en quelque sorte.
Geneste Philippe