MINNE Brigitte & CHIELENS Trui, Princesse Pimprenelle se marie, CotCotCot éditions, 2020, 32 p. 18
C’est tout d’abord un livre d’une grande beauté, que
magnifient, avec sensibilité et harmonie, les images poétiques de Brigitte Minne
et Trui Chielens
Sur la première page de
couverture, une jeune fille à la longue chevelure en volute qui l’enveloppe
suavement, tout comme sa robe de princesse dont la couleur de pastel rappelle
le rose tendre des fleurs de son chemin et le rose tendre de ses pommettes,
chevauche un beau destrier blanc. Beaucoup de douceur, que reflètent les yeux
clos du cheval, se dégage de cette image, tandis que la jeune fille offre son
regard radieux sur ce qui semble être une invite de l’inconnu.
Quand le livre s’ouvre, elle a dû accomplir beaucoup de chemin car le décor a
changé. Le cheval est au galop, les arbres ne sont plus paradisiaques, ils se
sont assombris, deux rochers, deux oiseaux ont remplacé les fleurs. La jeune
fille porte des vêtements bien plus confortables Le gris, le sombre, le hachuré,
se mêlant au rose, donnent une impression de mouvement, de vitalité, sur sa
chevelure, son allure, son visage.
Ainsi, le livre à peine sous les
yeux, on comprend être en présence d’un objet confectionné avec un soin
particulier. Les pages sont reliées, les couleurs sur un papier mat se
prononcent dans l’éveil du regard, les dessins faussement naïfs assurent
l’enfant lecteur d’un univers familier où il déambule communément, le texte
oscille entre le classicisme des situations, des fonctions du conte, et l’élan
poétique libérateur. La situation initiale est commune : un couple royal
cherche à marier sa fille qui n’éprouve aucun sentiment pour les prétendants
qui se bousculent à sa porte. Or, le cœur de la jeune fille ne battra que pour
une princesse nouvellement arrivée au royaume.
C’est donc par la sensibilité que
l’homosexualité est abordée. La fin euphorique invite le jeune lectorat à
comprendre ce que la vie fait naître, non depuis les opinions toutes faites
mais depuis la sensibilité, depuis les sentiments. Loin de prôner
l’anticonformisme, l’album exemplifie une situation humaine qui s’inscrit dans
un enjeu de société. Mais plutôt que de passer par l’argumentation prescriptive
-celle courante et moralisatrice de la tolérance, du droit à la différence etc.-
les autrices recouvrent le schème classique du conte par une situation sociale
actuelle. Et c’est par l’abord des sentiments que l’enfant est appelé à
rencontrer la problématique de l’homosexualité.
En fin d’ouvrage, une page
explicite en termes simples comment les princesses du conte pourront avoir des
enfants si elles le désirent. De par la présence de cette postface, l’album
s’ouvre à un lectorat qui dépasse les enfants de six ou sept ans visés
initialement. L’album sera le bienvenu dans les bacs des centres de
documentation pour les élèves de sixième voire de cinquième. En effet, le texte
de Brigitte Minne permet à la fois une lecture autonome des enfants, au-delà de
huit ans, et une lecture accompagnée, en deçà.
Annie Mas & Philippe Geneste
MAJOR Lénia, Á L’Orée des fées, illustrations Cathy DELASSAY, Tom’poche, 2014, 30 p. 5€50
« Mes douceurs servent à se régaler, rigoler, partager, Mais pas à s’empiffrer, on n’est pas des gorets ! »
Dès la couverture,
l’illustratrice fait mouche : délicatesse du trait, sensualité des
couleurs et de leur matière, onirisme en reconnaissance du motif, soulignement
d’un horizon d’attente entre nostalgie, tendresse et recherche de soi. Le titre
nous porte à l’orée du livre, nous invite à entrer dans la forêt des vers qui
composent en rimes libres les poèmes. Chaque poème est déposé sur le lit d’une
illustration qui couvre la double page. Poème, comptine, formulette comportent
un titre qui sonne comme le nom d’une enfant à l’oreille de laquelle susurre
une fée taquine ou protectrice, irrévérencieuse un peu. Puis, les titres
annoncent la vie d’une fée précise, liée à la nuit, à l’aurore, au feu ou à
l’eau, à l’hiver ou au printemps. Enfin, des inconnues font leur entrée,
l’indisciplinée Line, La paresseuse Couldouce, la gourmande Candi.
Le livre refermé, c’est un hymne
à l’amour que le jeune lecteur ou la jeune lectrice auront lu. L’ouvrage aura,
le temps de sa lecture, abstrait le jeune lectorat de l’idéologie consumériste,
celle de la quantité, pour lui faire vivre un moment de choix singuliers,
qualitatifs : un bonheur de la beauté des mots, de la musique des images,
un moment décalé de synesthésie en univers juvénile.
Philippe Geneste