RIGAL-GOULARD, Sophie, Raconte-moi ma vie, Rageot, 2019, 160 p. 7€20
Pourquoi demander ce qui s’est
passé dans sa vie, quand on est une ado comme les autres… ou presque ?
C’est qu’Enola a perdu la mémoire après un accident et elle s’interroge sur ce
qu’elle ressent en présence de certaines personnes, notamment de Devon. En qui
peut-elle avoir confiance, où se trouve la vérité dans ce qu’on lui
raconte ? Et que cachait-elle, et pourquoi, dans son passé ? Une
quête de morceaux de soi commence, pour aller où ? Ce roman très captivant
et court à lire dès 10/11 ans.
Myriam Janis
L’ouvrage, qui s’adresse aux
pré-adolescents et préadolescentes, se déroule en dix étapes : Koumoala en
Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sahara, Maghnia, Oujda, Nador, Melilla, Malaga,
Paris, Lorient. C’est l’histoire de pays gangrenés par les guerres. Alassane
est ivoirien. Ses parents sont inquiets pour leurs enfants et les envoient chez
leur grand-mère au Burkina Faso. Il a quinze ans, mais, à cause de sombres
histoires de familles, il se retrouve sans rien. Il décide alors de partir pour
l’Europe. En route il se lie d’amitié avec un jeune malien, Modeste. Ils
mendient, fouillent les poubelles, louent leurs services en échange d’un peu de
nourriture. Au prix d’énormes souffrances les deux amis prennent pied en
territoire espagnol. Modeste perd sa main gauche mais l’effroi et l’espoir d’un
ailleurs meilleur l’empêchent de s’arrêter. Lui et Alassane courent vers
l’Europe promise. La croix Rouge les accueille dans un Centre d’Accueil
Temporaire pour Immigrés dans le camp de Melilla. Puis ce sera l’Espagne où
Modeste s’arrêtera et enfin Lorient via Paris pour Alassane. Là il apprend le
français puis est embauché dans une crêperie où il se lie d’amour avec une
stagiaire.
Si le récit épouse une
trajectoire courante de migrants, en revanche, le roman tait les horreurs que
vivent les enfants mais aussi les femmes et les hommes poussés à émigrer à
cause de l’instabilité politique dans leur pays d’origine ou de la misère, et
des deux en général. En cela, Adrianson se coule dans le récit classique pour
la jeunesse, un récit où la brutalité du monde est passée sous silence. Le
revers de cette attitude littéraire est de donner une image illusoire des
migrants. Le récit repose sur la bien pensance, les bons sentiments –les héros
trouvent toujours une bonne âme pour
les héberger, même aux moments les plus critiques–. C’est ainsi que le réalisme
en littérature de jeunesse glisse vers un moralisme de pacotille pétri
d’idéologie bourgeoise. Au fond, les ressorts géopolitiques des migrations
africaines et subsahéliennes en particulier resteront ignorés du jeune
lectorat. C’est dommage car la composition du roman laissait espérer un travail
d’écriture plus approfondi.
Le Bosco avec la commission
lisezjeunesse
Sur fond de réchauffement
climatique, Kochka conte une fable sur l’exil, une réflexion sur l’accueil et
l’hospitalité, un conte d’enfance relié par des lettres aux êtres chers des
générations antérieures laissées sur place. La fin est euphorique, épousant
l’humanisme de l’auteur pour conjurer la haine des migrants qui traverse le
monde contemporain.
Commission lisezjeunesse
Cette nouvelle publiée en format
italien est illustrée par Johanna Kang. Les tons jaunes, ocres ternes, les
variations de marron, l’impressionnisme sombre de la seule page bleue, le voile
qui domine, telle une pruine mettant à distance comme elle imposerait
l’attention, tout cela appuie le texte au style précis de Jo Hoestlandt.
Le récit est rétrospectif :
Hélène, une vieille dame raconte son enfance durant la seconde guerre mondiale,
en France occupée par les allemands. Elle conte une histoire d’amitié avec une
petite fille de son âge obligée de porter l’étoile jaune. La peur est
omniprésente et l’écriture sonde l’épaisseur de la relation d’amitié.
Ce récit sous forme d’album émeut
les jeunes lecteurs de 8 à 12 ans non par un jeu de pathos mais par la
présentation d’une situation de guerre et en en appelant à la conscience des
lecteurs et lectrices.
Commission lisezjeunesse
Brossaud
Pierre-Antoine, Guenon, rouergue, 2019, 208 p. 11€70
Voici un roman sur le
harcèlement. L’héroïne, Manon, est en classe de troisième. Ses camarades se
moquent d’elle et l’appellent Guenon. Le rapport à son corps déjà difficile
pour la jeune adolescente en prise à la boulimie, cette addiction à la
nourriture qui la dégoûte d’elle-même, va entrer dans une phase critique. Le
rapport aux autres devient heurté, le rapport à soi bute sur le mur d’impasses
douloureuses. La rencontre avec un garçon est-elle en mesure de remettre Manon
dans le sens de la vie ? Le livre explore ce cheminement. On regrettera
que la fin soit outrée, elle vient nuire à ce qui aurait pu être un roman plein
de pertinence sur le sujet à vif du harcèlement. La fin défait ce que le début
du livre avait patiemment tissé, ce qui est dommage. C’est l’avis de la
majorité de la commission lisez jeunesse
Commission lisez jeunesse