Anachroniques

30/08/2020

Portraits d’artistes

 

Nie Chongrui, Au Loin, une montagne…, traduction du chinois Elia Lange et Natalie Nie, Steinkis, 2019, 264 p. 28€

1964, l’auteur a 19 ans. Les événements politiques ont privé sa famille de l’aisance dans laquelle elle avait, jusque-là, vécue. Le jeune homme, pour gagner sa vie, renonce à des études d’art pour devenir mécanicien dans le secteur de la construction. C’est à partir de là qu’on le suit, jusqu’à aujourd’hui. Le livre raconte par le dessin ce parcours et notamment les débuts de la révolution culturelle (1966-1976, à la mort du président Mao Zedong).

Il s’agit d’une autobiographie graphique avec des encadrés narratifs à valeur explicative. Le dessin en noir et blanc, dessin au trait réalisé souvent à partir de photos, intégrant des dessins de carnets de l’époque (certains sont donnés en annexe avec des photographies) où l’auteur travaillait sur les chantiers du Ningwu dans la province du Shanxi. Excellent portraitiste, amoureux des détails, paysagiste confirmé, Nie Chongrui propose des planches en format italien  (30 x 21 cm) d’une intensité rugueuse contenue dans des compositions rigoureuses.

Nie Chongrui travaille sur un immense chantier, dans le Shanxi, où se construit une usine d’armement. Les dessins nous font pénétrer dans cette province reculée, qui échappe au début aux troubles de la révolution culturelle, avant d’être rattrapée par elle. L’auteur livre ce qu’il a vécu, tel qu’il l’a vécu. Il n’y a pas de fioriture ni d’essai de magnifier un peuple paysan et ouvrier avec lequel il est pourtant en empathie. La texture du dessin couvre, généralement, l’intégralité des cases ou des pages, enveloppant le lecteur, l’empêchant de sortir de l’univers créé. Nie Chongrui joue de la perspective, créant avec adresse des effets de surprise et de mouvement. De plus, le dessin capture mieux l’instantanéité que la peinture. Or, cet album est un récit déclaratif. L’auteur, alors qu’il était ouvrier sur le site, dessinait pour conserver en lui-même trace de ce qu’il ressentait. L’intensité du dessin a, sûrement, à voir avec cette expérience retenue dans les carnets dont s’est servi l’auteur pour revenir sur sa vie. Les traits zébrés, ramifiés, hachurés, croisés rendent pénétrants les visages au-delà de l’apparence. Ils relèvent d’un art intime qui ne ment pas, un art qui cherche une vérité des êtres. Le dessin fait apparaître la structure interne des objets, des lieux mais aussi révèle les ressorts des comportements des personnages. Tout fait corps, ici, espace et personnages plongés dans un moment historique de grande violence symbolique et réelle. Nous pourrions parler d’un graphisme à l’estomac comme Gracq parle de littérature à l’estomac.

La montagne que le titre convoque est le Guancen Shan que l’auteur peut voir chaque jour. Il y liera une amitié avec un habitant Zhang Juquan qui n’est pas sans rappeler la situation décrite par Luxun dans Village natal. Cette amitié intimement liée au mont Guancen, au pied duquel vivait Zhang Juquan, est le fil directeur du récit :

« Je réfléchis toujours à cette question : Juquan et moi venions de milieux très éloignés et avons vécu des vies bien différentes, mais chacun de son côté n’a jamais cessé de penser à l’autre. Pourquoi cela ? Sans doute parce que nous sommes tous les deux enfants de cette montagne, nous sommes donc des frères ? Voilà, cette histoire qui a duré plus de cinquante ans me relie toujours aux montagnes Guancen par des liens inextricables ».

 

Gentil Mano, Léonard de Vinci, un drôle d’oiseau, oskar, 2019, 91 p. 9€95

La biographie de Mano Gentil est menée à la première personne. Le but est de convaincre le jeune lectorat (10/14 ans) par une identification au personnage historique. Le récit n’est toutefois pas chronologique puisqu’il commence en 1515, alors que Léonard de Vinci (1452-1519) se prépare à migrer en France sous la protection de François Ier. La narration va donc se faire rétrospective, avec un long arrêt sur les apprentissages auprès du maître Andrea Verrochio. Les relations amicales avec Botticelli contrastent avec la détestation qui unit le jeune Léonard à Michel-Ange. Il nous raconte, ensuite, les relations avec les mécènes (Laurent de Médicis à Florence d’abord, le duc Ludovic Sforza à Milan, puis César Borgia à Venise ; en 1513 il est auprès de Julien de Médicis, enfin en France de 1515 à 1519). Mano Gentil explique très bien et simplement le contexte historique, les multiples centres d’intérêt de Léonard de Vinci. Le technicien, l’ingénieur, l’architecte, le sculpteur, le peintre, l’écrivain, le mathématicien (un goût prononcé), l’urbaniste… sont présents, font l’objet d’épisodes divers qui dépeignent l’étendue des savoirs de cet homme qui incarne ô combien l’humanisme qui éclot à la Renaissance.

Le récit à la première personne permet aussi à l’auteur d’interroger des énigmes de la vie de Léonard de Vinci : pourquoi ne terminait-il pas ses tableaux ? Que cache cette insatiable soif de connaître ? Qu’est-ce qui anime ce joyeux drille pour qu’il sache s’enfermer dans l’étude autant que multiplier les expériences et expérimentations ? Le cahier documentaire de 16 pages, en couleur, permet de voir des lieux, des personnages, quelques rares peintures et réalisations -dessins, croquis- de Léonard de Vinci. Un glossaire facilite la lecture des passages techniques concernant principalement la peinture.

Philippe Geneste

23/08/2020

Á tout âge, le monde par la bande


ALDEGUER Hélène, Après le printemps. Une jeunesse tunisienne, Futuropolis, 2018, 136 p. 21€
L’ouvrage rend compte de la situation politique après la chute de Ben Ali en 2011. L’action se passe dans la ville Le Kef de la région montagneuse du nord-ouest de la Tunisie. Le parti islamiste conservateur, Ennahdha, a pris le pouvoir par les urnes mais la situation économique et sociale est tendue. Les jeunes tunisiens sont las de la répression. Le 6 février 2013, Chokri Belaïd, secrétaire général du parti des patriotes démocrates unifiés, parti d’extrême gauche, est assassiné. Ennahdha est de plus en plus contesté. Le soir du 6 février, le premier ministre annonce la formation d’« un gouvernement de compétences nationales sans appartenance politique ». Cela n’empêche pas de nombreux heurts de manifestants hostiles au pouvoir avec les forces répressives. De nombreuses immolations scandent le mois de mars 2013 alors qu’un projet de nouvelle constitution aiguise les conflits politiques. Au même moment des groupes liés à Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) mènent des attentats dans la région du mont Chambi. En juin c’est une jeune lycéenne tunisienne pro-femen qui est arrêtée. La venue à son procès de trois militantes Femen européennes fait scandale. Le 25 juillet 2013 Mohamed Brahmi, fondateur du parti Mouvement du peuple (parti nationaliste nassérien), est à son tour assassiné en sortant de chez lui. Les manifestations se multiplient, notamment à l’instigation de la jeunesse tunisienne. En janvier 2014, la nouvelle constitution est adoptée, moins imprégnée d’islamisme que n’en contenait son projet. Là s’arrête la bande dessinée.
Le récit d’Hélène Aldeguer traverse cette période à travers le cheminement de quatre jeunes : Saïf, Aziz, Chayma et Mériem. Les illustrations en noir et blanc rendent compte du désenchantement et de la rudesse d’une période historique sans lendemain. Le syndicat de l’UCTT, incontournable, reste dans ses travers nés de sa longue histoire institutionnelle sous Ben Ali. Le rapport de la population à l’islam est particulièrement bien analysé. Ce que les dessins permettent aussi, c’est de ressentir la dispersion des énergies en l’absence d’un cadre commun de lutte ne s’inscrivant pas dans la course au pouvoir et, au contraire, alliant invention de rapports locaux communaux ou de proximité et cadre syndical pour défendre les travailleurs et travailleuses avec emploi ou sans emploi. 
Philippe Geneste 

KOUBAA Laïla – Janssens Laura, Plus Profond Que l’Océan. Souvenirs d’un émigré, Steinkis, 2018, 88 p. 16€
Le choix du dessin et des couleurs, le choix de la mise en page sont de faire entrer dans la problématique de l’émigration par la poésie, l’impression et l’émotion. Un grand-père raconte son arrivée en France, le pourquoi de son départ de Tunisie, le temps d’adaptation et la vie commune en France, son nouveau pays. Par la narration sensible de Laïla Koubaa, l’ouvrage s’adresse à tout public, dès 9 ans. L’album est un trésor d’inventivité graphique et de trouvailles verbales, toujours avec grande simplicité d’exécution. 

BALTSCHEIT M., n.o.n.o. le petit robot, illustrateur ULF K., Bayard, 2019, 64 p. 9€95
Six histoires composent cet album de bande dessinée. Le sujet en est la découverte du monde par un robot. C’est l’occasion d’une exploration de réalités quotidiennes de l’enfant : balançoire, ballon, tétine, neige, chocolat chaud, des blocs de construction (comme les lego). Le robot joue le rôle de l’innocent et la situation humoristique permet à l’enfant de s’approprier le vocabulaire en se sentant avoir de l’avance dans l’apprentissage par rapport au petit personnage métallique aux composants électroniques. Le dessin est stylisé, chaque histoire privilégie une couleur en adéquation avec la saison ou le contenu même du récit. 

GIRARD Franck, Toto un sacré zigoto !, illustrations Serge BLOCH, Globule, 2019, 80 p. 9€95 ; Girard Franck, Toto même pas mal !, illustrations Serge Bloch, Globule, 2019, 80 p. 9€95
Ces deux opus de Toto rassemblent une suite de gags très drôles, tous liés à la vie quotidienne des jeunes enfants. C’est hilarant, et les enfants en raffolent dès qu’ils sont en mesure de lire. La tension ne tombe jamais, on peut lire les ouvrages dans l’ordre des pages ou alors butiner dans chaque volume au gré des envies et des dessins. On y revient aussi car on n’ en retient pas tous les gags. La commission jeunesse a beaucoup apprécié et le livre n’a cessé de passer de main en main. 

L’HERMENIER, DJET, PARADA, La Rivière à l’envers. Tomek, d’après le roman de Jean-Claude Mourlevat, Jungle, 2018, 72 p.
Voici une belle adaptation du roman de tonalité fantastique de Moulevat. Les dessins flirtent avec le trait des mangas. C’est un récit d’aventures, euphorique dans sa fin, intriguant dans sa réalisation, suggestif quant au thème de l’immortalité et du cycle de l’eau pris dans les rets de l’imagination littéraire. 

SCHMITT Michel-Yves, BEGON Maud, Le Réveil des poupées, Jungle, 2018, 48 p.
C’est une bande dessinée qui reprend le thème fantastique de l’objet animé, ici des poupées. Les enfants de 10 à 12 ans tremblent à la lecture du livre et sont fascinés au cours de l’avancée de la lecture.
Commission lisez jeunesse

11/08/2020

Les reflets de Manon

 

GRATIAS, Claire, Je voulais juste être libre, édition Le Muscadier, collection Rester Vivant, 2019, 216 pages, 13, 50 euros.

Le roman s’ouvre sur le chagrin de Salomé, 16 ans, interrogée par la police la sommant d’expliquer les circonstances, ou ce qu’elle en sait, de la disparition de Manon, une adolescente de son âge, élève de seconde dans le même lycée, Manon, son amie intime et inséparable depuis le C.E.1. Mais pourquoi ces larmes, alors que de leur duo on la désigne comme la plus intrépide, et Manon comme la plus sensible ? C’est que Salomé est sans nouvelle de son amie, alors qu’elle ne lui cachait rien, auparavant, rien surtout de son martyre chez elle, ni, depuis la mort mystérieuse de son père, rien des années d’humiliations, de maltraitances tant mentales que physiques que lui a fait subir l’hystérie de sa mère. Les crises de rage de cette femme atteignent leur paroxysme lorsqu’ elle découvre sur le visage de sa fille, au retour du lycée, des traces de maquillage mal effacé lui révélant le besoin de liberté de Manon, sa volonté de s’émanciper de son joug.

Mais une nuit, au prétexte d’une fête, il y a huit mois de cela, Manon s’est enfuie, accompagnée d’un jeune homme à l’aspect fragile, Valentin, élève de terminale. Il a dix-huit ans, il conduit une voiture.

On retrouve Valentin, circonstance troublante, face à un avocat. Il lui raconte son amour pour Manon. Il explique comment il l’a conduite, selon le désir de la jeune fille, loin de chez elle, jusqu’en Bretagne, dans la maison de vacances de son père. Les dames de la bibliothèque qu’ils vont fréquenter chaque jour, ainsi que la vieille dame qui possède les clés de la maison, gentille voisine qui, connaissant Valentin depuis son enfance, accueille Manon comme le ferait une douce grand-mère, témoignent de l’aura qui enveloppait les deux amoureux… les premiers jours. Mais l’arrivée d’un artiste qui use de sa séduction auprès de Manon, faisant d’elle son modèle, puis sa maîtresse, va briser cette belle harmonie. Manon a-t-elle tant souffert dans son corps durant son enfance et son adolescence qu’elle s’en est détachée et qu’elle en a fait, après avoir compris combien sa beauté peut attirer certains hommes, le moyen et les armes pour s’affranchir, pour être libre, jusqu’au point de trahir Valentin, son amant sensible et romantique ? De trahir aussi son amour pour lui ? En fait, de se trahir elle-même ? L’artiste s’échappe lorsque la voisine lui révèle l’âge véritable de Manon. Valentin s’enfuit la voyant revenir des bras du vieux séducteur. La jeune fille disparaît.

Quelque mois plus tard, les deux jeunes gens vont se retrouver au hasard d’une rue, à Paris. Valentin y entame des études de cinéma, et Manon que fait-elle ? Même si son apparence a changé, même si elle ne ressemble plus à la jeune fille qui le fit tant rêver, Valentin, toujours amoureux, ne peut la quitter. Mais échouant à la sauver de l’enfer où elle recherche sa liberté, il s’y enlise, avec elle, jusqu’au drame.

Parmi les témoignages racontant l’histoire de Manon, celui de Salomé est le plus touchant, celui de Valentin, le plus émouvant. Les paroles de la mère sont effarantes, même lorsqu’elle révèle les causes du décès du père de Manon qui, si la jeune fille les avait connues, si sa mère les lui avait dites, les lui avait expliquées, auraient aidé la jeune fille, et permis d’éviter un chemin qu’inconsciemment elle a pu imaginer être celui de son père. Et nous ne parlons pas de l’indifférence ou de la faillite d’anticipation, d’écoute et de compréhension, de certains professeurs ou personnes d’autorité du lycée… toute cette société enfin qui fait que les sentiments de Manon, on ne les connaîtra jamais, que sa détresse, ses espoirs, que ses paroles, on ne les entendra jamais.

La profession de foi de la collection Rester Vivant est d’offrir « sans détour… aux pré-ados, aux ados… et plus généralement à tous les lecteurs qui résistent encore à l’asservissement des esprits, quel que soit leur âge » des romans qui, sans mièvrerie, décrivent la réalité du monde et des rapports sociaux. Claire Gratias, dans ce roman, a permis cette équation subtile d’ouvrir la lecture à toute une palette d’émotions, à la colère, au chagrin, à l’empathie, à l’imaginaire et à la réalité du monde.

Annie Mas

04/08/2020

Deux jeunes filles face à l’alcoolisme de leurs parents

Rigal-Goulard, Sophie, Elles, Rageot, 2020, 189 p., 14,50 euros.

Résumé

L'histoire se déroule au rythme d'une année scolaire. Elle commence donc le jour de la rentrée, au mois de septembre. Marina est une adolescente dont les parents viennent de divorcer. Son père habite loin, sur Versailles, tandis que sa mère doit les garder, son petit frère, Vania, et elle. Ce jour-là, c'est Marina, élève de quatrième, qui emmène son petit frère, élève de CM1, à son école. sa Leur maman, alcoolique, ayant oublié la rentrée scolaire. Sous l'emprise de l'alcool, elle n'est plus la même, au point que Marina ne l'appelle plus "maman" mais "Elle".

Elle perd son travail et ne cesse de mentir à ses enfants pour tenter de sauver les apparences en leur disant que tout va bien alors que même le petit Vania a conscience de l'atmosphère pesante à la maison et du changement de comportement de sa maman lorsqu'elle est ivre. Pourtant, Marina fait de son mieux pour le protéger au quotidien en essayant de le faire rire, en écoutant ses histoires, en s'occupant de remplir le frigo, en couchant leur mère lorsqu'elle rentre trop saoule... Elle lutte chaque jour pour cacher leur secret et protéger à la fois sa maman et son frère : elle se fait la plus discrète possible au collège et fait fuir le peu d'amis qu'elle a pour préserver son secret, sa "honte". Elle imite la signature de sa maman dans son carnet de liaison et répond au téléphone à sa place pour tromper ses enseignants. Pendant les vacances de Noël, alors que Marina et Vania doivent aller voir leur père à Versailles, leur mère leur fait du chantage en leur disant qu'elle pourrait mourir sans eux. Même si, après chacune de ses crises, elle dit à ses enfants qu'elle est désolée, elle recommence rapidement à boire en cachette. Terrorisés à l'idée que leur mère se suicide, Marina et Vania cachent la situation à leur père qui, de son côté, poursuit sa vie en retrouvant une autre compagne.

En parallèle de l'histoire de Marina, Justine, 28 ans, est professeure documentaliste au même collège. Elle est d'abord intriguée par cette élève qui se réfugie dans la lecture comme pour s'évader d'un quotidien trop oppressant. Puis, elle décèle en elle des signes qui lui font comprendre qu'il y a un problème dans cette famille, sans qu'elle sache quoi exactement. Justine perçoit que Marina a une blessure similaire à la sienne. En effet, le papa de Justine, qui est décédé cinq ans auparavant, était alcoolique. Alors qu'elle n'était qu'une enfant, il ne faisait que la rabaisser, lui répéter qu'elle était moche, qu'elle n'avait rien à faire sur terre... Si son passé continue de la hanter, Justine souffre, en plus, d'un chagrin d'amour récent. Heureusement, elle trouve, elle aussi, un réconfort dans la lecture mais qui est moins puissant qu'auparavant. Son travail est également une force pour elle, elle est appréciée par ses collègues et ses élèves malgré un look de vieille dame. Justine ne prend en effet pas soin d'elle, elle s'habille mal... Lors des vacances de Noël, elle évite sa famille et trouve du soutien auprès de ses copines. Néanmoins, sa grande sœur Emma, de huit ans son aînée, essaie, au fil des mois, de se rapprocher d'elle. Au début, ce rapprochement semble très compliqué car les deux sœurs ont peu de choses en commun : les deux enfants d'Emma ne lisent pas, elles ne se comprennent pas sur certains sujets, Emma est très jolie... Ce n'est qu'au mois de mai que Justine accepte de passer un weekend chez sa sœur. Cette dernière lui confie alors qu'enfant, elle a également subi des moqueries de la part de leur père alcoolique qui lui disait qu'elle était stupide et que seule sa beauté lui permettrait de gagner sa vie et le cœur des hommes. Pour le contredire, Emma s'est lancée dans les études et les diplômes pour faire aujourd'hui un travail qui la valorise. Son mari et ses enfants sont aussi une force pour elle dont elle a pu se servir pour surmonter ses blessures d'enfance causées par son père.

Suite à cette révélation, Justine décide de ne plus vivre dans les regrets. Comme pour contredire son père qui n'a fait que lui répéter pendant des années qu'elle était moche, elle se met à prendre soin d'elle, s'habille mieux, a une nouvelle coiffure. Ses collègues la complimentent et l'un d'entre eux semble même sous son charme... Mais, si elle reprend confiance en elle, Justine ne parvient pas à parler à Marina qui est, certes, à l'écoute de ses conseils en lecture mais refuse toute autre discussion. Elle va alors avoir l'idée de noter ses coordonnées sur un marque-page qu'elle glisse discrètement dans l'un des livres que Marina veut emprunter.

Ce n'est qu'à la mi-mai que Marina a, à son tour, une révélation. Alors que sa mère leur avait promis, une fois de plus, qu'elle arrêterait de boire définitivement pour trouver un travail, la jeune fille découvre des cachettes contenant des bouteilles. Elle jette l'alcool dans l'évier, en larmes, mais ne dit rien à son petit frère. Au dîner, sa maman, se rendant compte qu'elle n'a plus de bouteilles en réserve, part froidement de l'appartement. Le petit Vania, se met à pleurer et dit à sa grande sœur qu'il veut mourir. Marina, pour se protéger et protéger son petit frère, comprend qu’ils doivent s'éloigner, qu’ils doivent permettre à leur maman de se faire aider. Ils lui écrivent tous deux une lettre, puis se rendent ensuite chez Justine. Marina lui confie l’alcoolisme de que leur mère, leur désarroi et leur besoin d'aide.

Au lecteur d’imaginer la suite de l'histoire. Que se passera-t-il durant ce mois de juin. Comment se clôturera l’année scolaire pour ces deux enfants ? Quelle sera la promesse de leur dernier jour d’école ?    

Avis

J'ai beaucoup aimé ce livre qui se lit très facilement et a sa place dans tous les CDI. La détresse des personnages, très bien décrite, montre combien l'alcool peut être dévastateur sans qu'il y ait besoin d'un discours moralisateur. Les deux héroïnes sont attachantes : Justine -qui a été traumatisée plus jeune à cause de son père alcoolique et, bien qu'adulte, commence tout juste à se reconstruire- et Marina, qui prend des responsabilités trop grandes pour son âge, voulant protéger son petit frère à tout prix.

Milena Geneste-Mas