Gérard Valérie, Obéir ? Se révolter ?
Illustrations de Clément Paurd,
Gallimard-Giboulées, collection chouette
penser !, 2012, 79 p.
Une réflexion
sur l’obéissance traversée par la philosophie de Rousseau. Distinguant les
modalités de l’obéissance, l’autrice développe une réflexion sur le jugement et
le libre jugement. Le livre se clôt sur une réflexion assez courte consacrée à
la révolte. Le terme de désobéissance est à peine abordé.
Les
illustrations de Clément Paurd accompagnent le texte comme un récit à
l’intérieur du discours argumentatif de l’autrice et c’est remarquable. Malgré
les réserves faites –aucune référence aux penseurs anarchistes ni aux penseurs
marxistes, ce qui surprend quand même…– le livre est à conseillé aux élèves
adolescents et adolescentes car il est d’une extrême clarté.
Shelley Mary, Frankenstein,
traduit de l’anglais par Hannah
Betjeman, Notes et carnet de lecture par Jean-Noël Leblanc, Gallimard, folio junior, 2018, 265 p. 4€90
Frankenstein de Mary
Shelley, de déplacer la question du désir de puissance humaine, du terrain de
la connaissance scientifique
Nous nous centrerons, ici, à
dessein, sur les figures monstrueuses. En effet, la littérature de jeunesse, en
particulier dans le roman imaginaire, repose essentiellement sur une
tératologie qui renouvelle les démons judéo-chrétiens, les génies orientaux,
tout en intégrant les korrigans bretons, les trolls scandinaves, tératologie
qui puise dans les traditions populaires, les folklores, les mythes et les
légendes, intégrant griffons, dragons, licornes, vampires, loups garous et
d’autres créatures issues de la littérature. Celle du docteur Frankenstein
créée par Marie Shelley reste la plus célèbre. Nous les appellerons, désormais,
indistinctement, monstres au sens de ce qui attire par sa non-normalité de
stature, de constitution. Pourquoi les monstres sont-ils si nécessaires au
secteur de la littérature de jeunesse ? Quelle bonne marche du monde
assurent-ils ? Quelle en est la signification pour aujourd’hui ?
Si ces êtres imaginaires sont les
produits d'une « forme spécifique d'angoisses intérieures à demi
conscientes naissant de la peur de la rupture des barrières que la société
impose à l'homme civilisé »(1), peut-on la
caractériser ? En cerner, au moins, quelques contours ?
Enfin, parce que la littérature de jeunesse est intimement
liée à une ancienne visée de transmission culturelle, il se pourrait que notre
réflexion éclaire un peu plus le rôle du fond folklorique et mythique de son
univers littéraire.
N’Diaye Aïda, Je découvre
la philosophie ou comment apprendre à se poser des questions,
illustrations Thomas Baas,
chansons (paroles, musique et voix) Lisa Cat-Berro,
Nathan, 2019, 13€90
L’ouvrage confirme cette juste
aperception du grand épistémologue genevois, Jean Piaget, qui voyait dans la
philosophie une recherche de sagesse loin des principes de la quête des savoirs
objectifs. N’Diaye choisit des situations quotidiennes qui font l’objet d’une
multitude de questionnements. Dans les bulles roses, les questions d’une fillette,
dans des bulles bleues celle de son frère et dans les bulles en bleu pâle celle
du philosophe, les paroles de sagesse. La symbolique des couleurs ne peut pas
être un hasard et on pourra s’offusquer de ce conformisme sexiste. L’intérêt du
livre repose sur le foisonnement des questionnements qui ouvrent l’horizon
enfantin. Les réponses apportées sont en adéquation avec l’idéologie dominante.
Cela surprend, car l’autrice choisit le sens commun social alors qu’elle aurait
pu provoquer ce dernier pour élargir les réponses à un éveil de l’esprit
critique. La nouveauté de l’album, ce sont les chansons qui accompagnent les
situations présentées et que les enfants écoutent avec plaisir.
Philippe Geneste
(1) Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Agora, Presse Pocket, 1990, p.245 (1ère édition 1939)