Anachroniques

29/12/2019

Littérature de jeunesse et philosophie

Brenifier Oscar, C’est quoi la violence, illustrations par Anne Hemstege, Nathan, coll. Philo z’enfants, Nathan, 2019, 97 p. 12€90 ; Brenifier Oscar, C’est quoi la liberté, illustrations par Frédéric Rebéna, Nathan, coll. Philo z’enfants, Nathan, 2019, 97 p. 12€90 ; Brenifier Oscar, C’est quoi vivre ensemble, illustrations par Frédéric Benaglia, Nathan, coll. Philo z’enfants, Nathan, 2019, 97 p. 12€90.
Ledoux Julien, De l’enfant à l’élève. Une approche philosophique de la littérature de jeunesse à l’école élémentaire, L’Harmattan, 2019, 202 p. 21€50
Le livre de Julien Ledoux est une étude menée à partir de l’observation d’ateliers de philosophie auprès de classes de l’école élémentaire. Certes l’enfant se pose des questions, mais se serait sous-estimer le rôle de l’interaction que de ne pas comprendre que ce sont des sollicitations extérieures qui permettent aussi à l’enfant comme à tout être humain de s’interroger et d’affronter des problèmes nouveaux. Le rôle de l’école pourrait ainsi rappeler en lieu et place de programmes sans progressivité ni compréhension de la psychogénèse des apprentissages. En partant d’ouvrages de la littérature de jeunesse, des albums, des récits, l’atelier de philosophie a pour but de sortir l’enfant de son individualité pour l’amener vers la connaissance de soi par la confrontation d’idées : « De la sorte, on peut avancer que l’imaginaire est cette dimension activée par la littérature de jeunesse qui permet de trouver des solutions à ses blocages réels grâce à la possibilité, décuplée par la dimension groupale, d’explorer d’autres possibles » (p.173). Il s’agit, somme toute, de permettre aux élèves de s’initier au dialogue, à la confrontation, à la controverse en suivant des règles de l’échange verbal oral et donc, d’entrer en coopération comme la pédagogie coopérative et nombre de pédagogies socialistes et libertaires le pratiquent depuis bien longtemps. Georges Jean, inspiré, entre autres conceptions, par celles-ci, écrivait en 1976 : « une pédagogie de l’imaginaire est bien une pédagogie transitionnelle, cultivant l’individu dans sa relation avec lui-même et avec le monde extérieur » (Pour une pédagogie de l’imaginaire, Paris, Casterman, 1976 -2ème éd. 1991- p.12). Ce que Julien apporte est que l’activité pédagogique reposant sur le dialogue, ici le dialogue philosophique adapté à chaque étape du développement psychologique, permet de révéler l’enfant chez l’élève. Pour Julien Ledoux, la crise de l’école repose sur l’incapacité de la société actuelle à intégrer les affects des enfants qui se trouvent ainsi coupés en deux : élève ou enfant. Or, nous dit J. Ledoux, c’est dans l’unité que la personne peut se développer harmonieusement. L’école pourrait être le lieu de cette conquête de soi grâce à sa dimension groupale et donc sociale. On reconnaît bien sûr des éléments de la psychanalyse, mais aussi des conceptions défendues par Célestin Freinet ou René Lourau, Jean Piaget ou Paul Robin, Sébastien Faure ou P.P. Blonskij, Véra Schmidt ou Fernand Pelloutier... Pour sortir de la toute puissance qui empêche la réflexion, pour vaincre les angoisses et inquiétudes paralysantes qui empêchent l’enfant de penser, de s’autoriser à penser, la solution pourrait résider dans les formes d’apprentissage créatif du langage à base dialogique. Là, Julien Ledoux rejoint Serge Boimare (L’Enfant et la peur d’apprendre, Paris, Dunod, 1999), puisque l’enjeu est que la parole trouve un chemin à prendre et que l’élève ne vienne pas empêcher l’enfant ou mieux, que l’enfant ne trouve pas dans l’élève un empêchement à ce que s’exprime, vive l’enfant. L’école doit se donner cette tâche : faire émerger l’enfant dans l’élève et non se fixer sur le devenir élève des enfants. Il y a là une dimension émancipatrice qui impose de combattre la réaction scolaire qui a cours aujourd’hui.
Ce qui précède éclaire ce que nous voulons dire des trois ouvrages d’Oscar Brenifier. Pour chacune des trois notions philosophiques traitées, il procède par une multitude de questionnements qu’il range dans des rubriques formant le plan de l’ouvrage. Ainsi pour C’est quoi vivre ensemble ? on trouve : aimerais-tu vivre seul ? Est toujours obligé de respecter les autres ? Dois-tu toujours être d’accord avec les autres ? Sommes-nous tous égaux ? Sommes-nous tous obligés de travailler ? A-t-on toujours besoin d’un chef et de règles pour vivre ensemble ? Pour C’est quoi la liberté ?, on passe par les étapes suivantes : Peux-tu faire tout ce que tu veux ? Les autres t’empêchent-ils d’être libre ? As-tu besoin de grandir pour devenir libre ? Un prisonnier peut-il être libre ? A-t-on le droit d’être libres ? A quoi peut servir ta liberté ? Enfin le plan de C’est quoi la violence ? est le suivant : Qu’est-ce qui te rend violent ? Comment sais-tu que tu es violent ? Peux-tu t’empêcher d’être violent ? As-tu le droit de frapper quelqu’un ? A quoi peut servir la violence ? As-tu raison d’avoir peur des autres ?
L’intérêt des questions qui peuplent chaque division des livres est qu’elles sont ouvertes, elles ne réclament pas une seule réponse. Le but étant que l’enfant réfléchisse par lui-même, on comprend bien le dispositif qui, pour être efficace, devra être dialogué. Privilégier le questionnement c’est privilégier la mise à distance d’un sujet pour y réfléchir, pour qu’il crée de la réflexion. C’est pourquoi ces ouvrages sont autant des livres de complicité parentale avec les enfants en se gardant de brimer la pensée de ces derniers, autant que des outils stimulants et ouverts à des adaptations créatives pour des séances de débat, d’échanges groupaux en classe. Si le dialogue philosophique a toute sa place à l’école c’est parce qu’il facilite l’approche des pratiques discursives mettant en exergue des problématiques. Les collégiens sont, en général, en difficulté quand il s’agit d’énoncer une problématique pour leur propre discours ou bien quand il s’agit de reconnaître dans un texte une problématique organisatrice du propos d’un auteur ou d’un locuteur.

Philippe Geneste

22/12/2019

livres en cadeaux

Un conte de Noël contemporain

Fombelle Timothée de, Quelqu’un m’attend derrière la neige, illustré par Thomas Campi, Gallimard jeunesse, 2019, 54 p. 12€90
L’auteur présente son dernier ouvrage comme un conte de Noël. Il y a une volonté d’ancrage dans une filiation qui traverse le conte jusqu’au genre des Noëls anciens (1) eux-mêmes issus des Aguillannées (dérivée de Au gui l’an neuf nous dit poulaille), chant d’origine païenne suturant une cérémonie lors du 31 décembre. Dans ce moment de basculement de l’année en une autre, se love un amuïssement des repères temporels et donc, aussi, une éclipse de l’ordre de la raison qui le temps de ce seuil laisse place à l’irrationnel, au vœu de fiction.
Sur ce socle ancestral, Timothée de Fombelle tisse le relief d’un conte contemporain. L’humanité est fragilisée par la fermeture des entreprises, comme celle de fabrication de crèmes glacés om est embauché le vieux livreur Freddy d’Angelo au volant de sa camionnette, que le dessin nous révèle être un fourgon Citroën du milieu du vingtième siècle. Campi. L’humanité est meurtrie par sa déraison guerrière, les massacres issus des impérialismes et des fanatismes. Enfin, cette humanité entraîne la faune par la déréliction du monde qu’elle provoque. Et voici ce qui sous-tend trois destins. Le premier, celui de Freddy d’Angelo qui vit en solitaire le sursis d’une vie qui se sait proche victime d’un licenciement. Le second, celui d’un jeune clandestin fuyant le Congo qui, dans sa jeunesse avait sauvé une hirondelle qu’il avait surnommé Gloria, du nom de la boîte de lait dans laquelle il avait recueilli l’oiseau blessé. Le troisième est celui de Gloria. Seize ans plus tôt, elle avait été sauvée par un enfant noir. Son instinct animal avait fait place à un désir de connaître cette humanité migrante qui remontait vers le nord quand elle et ses congénères migraient vers le sud. Alors, elle migra à contre-courant.
Trois migrants vont, à la fin d’un conte à l’allure d’un road-movie se rencontraient. Les deux humains briseront leur solitude, découvrant le vrai sens de l’humanité par l’entraide, le dialogue et la volonté du chemin buissonnier. L’hirondelle mourra en ayant retrouvé et sauvé sans le savoir celui qui l’avait sauvé, il y a seize années de ce jour.
Cette croisée des vies est contée par le dialogue entre l’écriture empathique sensible de Fombelle et l’œuvre graphique de Campi qui choisit l’hyperréalisme qui porte l’œuvre à la rencontre des problèmes contemporains du drame des migrations. Mais le jeu des couleurs sombres qui privilégient les paysages et atmosphères nocturnes laissent planer une menace, font survenir le thème du drame que conte le texte. Images et écriture dialoguent, se confrontent en complémentarité non en illustrations ni explicitation. Quelqu’un m’attend derrière la neige rejoue donc sur le plan de la création la leçon de ce Noël renouvelé où la mort et la vie s’engendrent, s’échangent au creux d’un seuil de nouvel âge appelé pour l’humanité, à partir de la figure d’une rebelle et de deux exploités…
Philippe Geneste
(1) Voir Poulaille, Henry, La Grande et belle Bible des Noëls anciens XVIIè et XVIIIè siècles, Paris Albin Michel 1950, 628 p.

Beaux livres

Fontanel Béatrice, Toute une histoire dans un tableau, Gallimard-Musée d’Orsay, 2019, 80 p. 18€
Voici un magnifique ouvrage remarquablement composé par l’autrice et au travail éditorial intelligent et augmenté d’un accès à la lecture audio des histoires racontées grâce à un QR Code. Les six histoires sont une traversée narrative de six tableaux : Le Cirque (1891) de Georges Seurat, Le Quai Saint-Michel et Notre-Dame (1901) de Maximilien Luce, Le Dîner, effet de lampe (1899) de Félix Vallotton, Chasse au papillon (1874) de Berthe Morisot, Bal du Moulin de la Galette (1876) d’Auguste Renoir, L’Enfant au chat (1887) d’Auguste Renoir. On le voit, avec les dates, l’impressionnisme et surtout le néo-impressionnisme et le divisionnisme fondent l’unité du recueil.
Á chaque fois, Béatrice Fontanel scrute le tableau pour créer une fiction. Elle s’appuie sur un personnage du tableau pour créer la fiction à la première personne. L’enfant lecteur est ainsi projeté dans le tableau par cet effet d’identification. Les illustrations relèvent de pièces à conviction de l’interprétation puisqu’elles sont composées par des détails du tableau. L’enfant peut, à la fin de chaque récit, retrouver le tableau dans son intégralité, avec une présentation instruite.
Plaisir des yeux, plaisir de la lecture, plaisir de l’écoute. Un cadeau.

Shingu Susumu, Sandalino, Gallimard jeunesse, 2019, 16 p ; 25€
Susumu Shingu est connu dans le monde entier pour ses sculptures d’acier et de toile qu’animent le vent et l’eau. Avec Sandalino, il raconte, en un livre pop-up, l’histoire d’un petit pantin laissé dans un jardin par un éclair d’orage. Un élément qui engendre un objet, un objet qui s’anime tel Pinocchio, nous voici dans un univers de fantaisie et des merveilles. Comme le récit est écrit à la première personne, le jeune enfant à qui on raconte l’histoire s’identifie au narrateur et Sandalino devient son pantin. L’histoire s’anime, de l’intérieur de la maison à l’extérieur auprès des fleurs, des oiseaux, de l’eau. L’album, avec ses aplats pour fond des illustrations et animations, est d’un onirisme contemplatif. La dernière double page invite l’enfant à imaginer un avant de l’histoire parcourue : « D’où viens-tu Sandalino ? Pourquoi tu m’as choisi ? ».
Ce magnifique ouvrage est un objet poétique en harmonie avec la mentalité magique enfantine. La force de l’œuvre est de prendre ancrage dans les quatre éléments : le feu (créateur ici), l’air, l’eau, la terre. Ainsi, l’histoire fait sortir l’enfant de la maison pour le conduire au sein de la nature réalisatrice du bonheur de Sandalino.

Nacho Eterno, Totems et civilisations autour du monde, illustrations Mia Cassany, Nathan, 2019, 40 p. 14€95
Voici un magnifique album documentaire tout autant que suggestif pour le déploiement de l’imaginaire enfantin. Les auteurs –impossible de dissocier la magnificence des images et l’intelligence du texte– mènent le jeune lectorat à la découverte du lien que les civilisations ont, depuis le fond des temps, entretenu avec les animaux. Réels ou mythologiques, ceux-ci ont accompagné la réflexion humaine sur la nature. Dans nombre de civilisations anciennes, chez tous les peuples primitifs, l’être humain ne s’entend et ne se définit qu’en rapport avec la nature et notamment avec les animaux, car ils ont compris le lien de filiation qui les lie à eux. Toute l’évolution des sociétés occidentales, et de l’impérialisme dont elles sont les autrices, a consisté à briser ces liens, à mépriser ces pensées dites magiques ou magico-phénoménistes, oubliant, par là-même, que l’humain ne peut et ne pourra jamais s’abstraire de la nature, de l’animal, dont il est un chaînon de la chaîne évolutive.
S’arrêter sur les totems, c’est prendre appui sur une manifestation tant spirituelle que matérielle, tant sociale qu’artistique, du lien que l’humain entretient avec l’univers. C’est ouvrir les enfants à la problématique du rapport au cosmos qui se trouve à l’origine de croyances, de religions, de rites et de mœurs.
Le livre commence avec la Maoris et le symbole de force de lutte entre le bien et le mal que représentent la tortue, le requin, le lézard, la raie Manta, le chouette et le scorpion. On poursuit avec les animaux vénérés au Japon et en Chine, en faisant bien la distinction avec la Chine car les légendes pour les mêmes animaux diffèrent de beaucoup entre ces deux civilisations. On en vient en Inde où certains animaux (singe, vache, éléphant, oiseaux rapaces) sont mêlés à la vie quotidienne pendant que le cobra, serpent destructeur, est aussi admiré comme animal créateur. La Perse intéressera nombre de jeunes lecteurs car c’est le cheval qui est à l’honneur. Le livre met en exergue la multiplicité des cultures sur une double page splendide. L’Egypte ancienne ne manque pas à l’appel (lion, ibis, chat, crocodile, faucon, serpents, taureau, chacal). Après la Grèce ancienne et l’empire romain, les Vikings font l’objet d’une double page très instructive comme le sont les doubles pages consacrées aux Mayas, Aztèques, Amérindiens et Inuits. Une dernière double page revient sur chacune de ces civilisations pour souligner quelques une de leurs curiosités.
Voyage visuel autant qu’intellectif, écrit sobrement avec une efficience assurée, Totems et civilisations autour du monde peut-être lu à partir de 8 ans jusqu’à 12 ans. Le plaisir du voir et le plaisir du comprendre s’y joignent pour le plus grand bonheur de la lecture.

Carnovsky & Kate Davies, Illuminatlas, Milan, 2018,
L’ouvrage de grand format repose sur la magnificence des illustrations qu’un jeu de trois filtres permet à l’enfant de fouiller pour y trouver ce dont parlent les pages. Les régions du monde sont traversées : chacune avec une carte, une grande image sur laquelle se révèlent par les filtres les éléments culturels typiques (monuments, animaux, objets, plantes) et un guide pratique qi revient sur les détails aperçus. Le filtre rouge révèle les richesses culturelles, le bleu les richesses naturelles, le vert la carte du continent traité. C’est évidemment le travail d’illustrations qui retient ici l’attention et donne sa valeur au livre.

Poissonnier Bertrand, Préhistomania, ingénieur papier Roi Arnaud, illustrations d’Owen Davey, Milan, 2019, 14 p. 24€90
L’ouvrage de grand format (360 x 190 mm) présente cinq tableaux : les australopithèques, l’homo habilis, l’Homo erectus, Néandertal & Cromagnon, Homo sapiens. Le livre décirt le physique de chaque espèce, il s’emploie à dresser l’environnement tout en ayant soin de faire sentir au jeune lectorat la notion d’évolution entre els espèces, ce qu’une frise chronologique permet de fixer. L’auteur est archéologue, membre du CNRS, spécialiste de la préhistoire. L’ingénieur papier est une signature régulière des livres animés de Milan. Il signe ici une conception de haut vol. L’illustrateur publiciste parie sur des couleurs claquantes et un foisonnement graphique. C’est un livre objet, un beau-livre, un cadeau de choix.
  
Carnowsky, Williams Rachel, Humanissime, Milan, 2017, 63 p. 25€
Voici un très beau livre, que rehaussent le grand format et un outil à trois filtres : le filtre rouge pour voir le squelette, le filtre bleu pour voir les organes, le filtre vert pour voir les muscles. Squelette, muscles et organes, voilà ce que les dessins colorés, pleine page, proposent à voir. S’y ajoutent à intervalles réguliers, des planches d’anatomie légendées avec simplicité mais précision. Un livre cadeau par excellence.

Philippe Geneste

15/12/2019

Éloge des savoirs, par l’approche intellective et sensitive

Brière-Haquet Alice, Le Si Petit Roi, illustrations de Julie Guillem, HongFei, 2019, 48 p. 14€90
Au rythme d’un texte organisé en strophes, sans rime mais plein de raison, et souligné par des illustrations où l’orientation des mouvements des personnages ne cesse de varier, une sagesse s’organise. Alice Brière-Haquet choisit le conte pour vecteur : « Il était une fois un grand roi très vieux » à qui succéda un fils « si jeune »… Dans ce conte, la figure royale n’est qu’une figure de l’individu qui cherche à se prendre en main. Comment s’orienter dans le réel ? Comment prendre les justes décisions ? Le conte montre le jeune roi en quête des savoirs universels, brossant ainsi le rêve émancipateur de l’homme intégral. Mais la temporalité humaine permet-elle de décider des voies à suivre en toute connaissance de cause ? N’impose-t-elle pas de partager entre les membres de la société ces décisions puisque la masse des savoirs ne peut être acquise par un seul ? N’est-ce pas la figure même du despote éclairé qui s’en trouve défaite ? Au fur et à mesure que le jeune roi approche de la somme des savoirs, sa chevelure blanchit, son corps vieillit. Vient alors la chute du conte, sous la forme d’une formule de vie : « Vivre l’instant ». Alors « Le roi sourit / Et il mourut tranquille ».
L’album magnifie le besoin de savoirs qui est un besoin de connaître les choses, les êtres et soi. Il faut le besoin de savoir pour que chacun s’élève en humanité. Or ce besoin, pour se réaliser, nécessite de traverser les univers biologiques, physiques, sociaux, économiques, psychologiques, culturels et linguistiques. L’humain doit donc, avec le savoir approché et sans cesse à quérir, s’ancrer dans les interactions quotidiennes. Il n’y a pas de terme à la recherche des savoirs, la vie de l’individu en est une pierre mortelle mais une pierre bâtisseuse. Les savoirs représentent le passé, mais aussi les modalités de l’administration du présent et donc la fabrication du futur. Paraphrasant la formule célèbre des Odes d’Horace (Carpe diem) et l’ultime réflexion du roi, nous pourrions écrire en conclusion de la chronique de ce bel album : cueille l’instant sans te fier seulement au passé, tu n’en saisiras que mieux l’avenir de ta présence au monde.

Giordano Philip, L’étoile de Robin, traduction de l’italien par Elisabeth Sebaoun, Milan, 2019, 48 p. 13€90
Quel bel album que cette œuvre de l’écrivain illustrateur italien Giordano ! Un bouquetin ne se plaît pas dans l’ambiance de la compétition guerrière qui anime sa harde. Pour lui, vivre, c’est toucher le ciel, franchir les plus hauts sommets de la montagne ; il veut découvrir de quoi est fait l’univers. Et ce but, il va tout faire pour l’atteindre, avec la persévérance de sa conviction de bouquetin non violent. La connaissance pourrait servir à sortir des terres déjà connues, elle pourrait servir à mener la harde et chacun des bouquetins qui la composent sur de nouveaux territoires. Elle pourrait permettre, alors, de révolutionner les comportements, de bouleverser les désirs mêmes.
L’expérience de la solitude va être un temps d’initiation durant lequel la personnalité du bouquetin se construit, face au cosmos et aux éléments naturels. Quand elle sera accomplie, alors, le bouquetin sera d’autant plus apte à rejoindre son peuple menacé. L’entraide va sauver les animaux, loin des rites et des parades guerrières.
Un album qui fait l’éloge de la non-violence, qui promeut la personnalisation par la socialisation. Voilà qui est bien trop rare pour passer à côté. Le format vertical (170x333mm) ajoute de la quiétude aux tonalités des couleurs et à l’onirisme fabulateur des peintures du ciel.

Simard Eric, Le Crayon qui voulait devenir un arbre, illustrations Africa Fanlo, Oskar éditeur, 2019, 30 p. 5€
Pour l’enfant les objets ont une vie propre, ils agissent par eux-mêmes, comme les végétaux ou les animaux ont une conscience. C’est la pensée animiste, à laquelle Eric Simard et l’interprétation graphique désopilante mais douce d’Africa Fanlo empruntent pour construire un récit écologique sans didactisme. Lulu flâne et rêve sous les arbres, sous un arbre en particulier. Mais la contemplation bucolique risque de se fracasser sur la réalité de la déforestation campée par la figure d’un ogre bûcheron. Le salut va venir du crayon à papier, qui va donner vie aux mots, et transformer l’univers animiste en un monde de magie. La fin est euphorique comme l’album est généreux dans son texte et ses images.

Perret Delphine, Kaléidoscopage, Rouergue, 2019, 104 p. 15€
La littérature destinée à la jeunesse use des images de manière quasi continue. Les études sur la perception et la psychologie génétique nous ont enseigné que la perception était déjà une construction. En conséquence, lire une image n’a rien d’un accès direct à un sens. L’image est déjà une représentation et lire une image c’est, en quelque sorte, se représenter une représentation. C’est donc un acte de construction d’une signification par le sujet.
Delphine Perret fait de cette réalité psychologique la matière d’un livre destiné aux enfants à partir de 7 ans, mais nous dirions plutôt à partir de 10 ans. Mais peu importe l’âge sinon qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage pour les petits. Kaléidoscopage interroge : qu’est-ce que se donner une image de quelque chose ? La réponse est donnée par l’acte même de lecture de l’album : se donner une image de quelque chose, c’est construire un sens, c’est interpréter ce que je vois. Aussi, se donner l’image de quelque chose c’est déjà commencer à maîtriser cette chose. De même que désigner par un mot est un acte d’emprise sur le réel pour se l’approprier en l’intégrant à des schèmes connus, de même se donner une image, c’est cheminer vers l’objet ou la chose ou le dessin ou toute autre représentation sémiotique pour leur entrée dans notre univers, dans notre représentation du monde. Une image mentale « suppose une reproduction active et schématisante » disait Piaget (1).
Le beau livre de Delphine Perret, avec une reliure toilée administre la preuve, par la pratique de lecture que l’image, l’illustration n’est pas que distractive. Elle est aussi un appel à la compréhension du monde, parce qu’elle implique, par sa lecture, la convocation de nos représentations du monde. Le livre amène l’enfant à construire un objet ou un visage ou une scène. Il l’amène à reconstituer une situation. La linéarité de la lecture est utilisée comme une entrée progressive dans l’énigme du sens : le lecteur voit un point, puis un deuxième point, puis un trait et il reconstitue alors un visage. Kaléidoscopage propose donc au lecteur de procéder à une multitude de transformations sur des détails donnés pour constituer, produire ou reconnaître des objets, des situations, des réalités. Ces transformations relèvent du travail de l’intelligence. Delphine Perret joue sur les formes statiques –celles qui sont perçues– et sur leur transformation en signification, en objet etc. c’est-à-dire qu’elle joue sur la transformation des formes perçues. Des pages proposent une activité perceptive quand l’image ultime implique une opération intellectuelle (celle qui donne du sens aux formes perçues en les combinant, par exemple).
Si le livre repose sur ce jeu entre configurations statiques et opération de mise en sens (sensification), il n’en reste pas là. S’échappant de sa structure initiale, l’autrice convoque l’humour puis l’implicite. Toute cette partie de l’ouvrage échappera au petit enfant de 7 ans et requerra le dialogue avec l’adulte pour une lecture bénéfique. En revanche, elle sierra parfaitement à l’enfant de 12 ou 13 ans qui pourra s’aventurer avec plaisir sur les jeux de traits, les confrontations de dessins, les formes imaginaires et parfois, même, les jeux de mots mis en bulles.
Pour toutes ces raisons, Kaléidoscopage est un petit chef d’œuvre qui nécessite une lecture exigeante pour le plus grand bonheur de l’esprit. Certains diront de ce livre qu’il est éducatif ; soit, mais à condition d’ajouter par le seul plaisir débridé de la découverte en soi de la création de significations.
Philippe Geneste
(1) Piaget Jean, Les Mécanismes perceptifs. Modèles probabilistes. Analyse génétique. Relations avec l’intelligence, Paris, PUF, 1975 (1ère édition 1961), 457 p. – p.375


Sur l’aile tranquillement passante d’un oiseau du songe
Narration musicale

Uman, Au Petit Jour du reste de ma vie, photographies de José Cailloux, illustrations Zad, Utopique, 2019, 40 p. + CD de 1h10
Utopique, maison d’édition exploratoire en littérature de jeunesse, propose une narration purement musicale aux enfants. L’album, de beau format, en couleur, est un magnifique cadeau qui accompagne les propositions musicales du groupe Uman, groupe qui rassemble dix musiciens et musiciennes. Du son à l’image, les enfants mais aussi tout auditeur, toute auditrice, sont invités à un voyage poétique, à laisser l’imaginaire étendre les suggestions oniriques des morceaux imprégnés de cosmos et d’éléments de la nature. L’auditeur pérégrine dans ses vues en pensée, tout au long des 14 étapes du CD-livre. La musique y parle en secret la « douce langue natale » de l’enfance. Que recouvrent les modes d’expression dédiées à l’enfance ? Telle pourrait être la question non pas tant posée aux auditeurs-lecteurs que portée à sa curiosité.
Ici, le sens se construit en somnambule, jusqu’à une chevauchée fantastique à travers l’espace. La narration entraîne l’humeur infantile vers des chemins vagabonds où exister c’est trouver place quand l’espace efface le bruit. La contemplation sollicitée est rythmée par la couleur des claviers, du saxophone, des voix, du vibraphone et des guitares sur fond de sampler, de basse et de djembés.
Ce CD-album ose faire le saut d’une histoire sans texte, à part celui des chants, dont un poème de Baudelaire. Ce choix marque la volonté de laisser l’auditeur-liseur construire le récit par de libres correspondances. L’album, appelons-le ainsi grâce à la polysémie du mot, est donc une offrande, une œuvre généreuse et confiante. La transformation en est la clé, car musiques et visuels sont métamorphosés en récits, comme les illustrations de Zad articulent les photographies de José Cailloux et leur traitement pictural numérique. Avec cette œuvre, l’album s’enrichit d’une nouvelle acception : la narration musicale sur laquelle se greffe l’onirisme photo-graphique.
Geneste Philippe


08/12/2019

Trois figures de la révolte… plus une

L’art du biographe est de choisir parmi les virtualités de l’homme un mot, une anecdote révélant le véritable caractère d’un individu mieux que ses plus grands exploits pour le dire à la manière de Marcel Schwob

Satta Francesca, de Santis Luca, Colaone Sara, Leda Rafanelli, Une femme aux mille vies, éditions Steinkis, 2018, 216 pages, 20€
L’ouvrage est la biographie de Leda Rafanelli (1880-1971). La bande dessinée nous plonge dans l’Italie de la fin du dix-neuvième siècle et surtout de la première moitié du vingtième. On y suit une petite fille puis jeune fille qui devient romancière, militante féministe et anarchiste individualiste. Leda Rafanelli deviendra aussi femme de lettres, partisane de l'amour libre, athée, pacifiste. Elle est une figure centrale de l’anarchisme italien du début du vingtième siècle. Avec Giuseppe Monnani (1887-1952), anarchiste individualiste, elle montera les éditions La Casa éditrice sociale. Passionnée par l’Egypte, elle se fera chiromancienne, idolâtre, musulmane. A 14 ans, elle est ouvrière typographe, ce qui lui permet, malgré son origine modeste, de se forger une culture solide notamment dans la critique sociale.
A travers cette biographie, on suit les retournements de conviction de militants socialistes dont Benito Mussolini (1883-1945), avec qui Rafanelli eut une idylle, chef de file des socialistes révolutionnaires. On croise le peintre Carlo Carrà (1881-1966), Luigi Polli (1870-1922, premier mari de Leda Rafanelli), l’initiateur du futurisme, Filippo Tomasio Marinetti (1876-1944) et bien d’autres.
Le travail dessiné est en noir et blanc avec une abondance de gris. Les cases sont souvent sans cadre, des vignettes et médaillons s’y superposent, des dessins enjambent les limites supposées des cases. Cette composition rend compte de la soif de liberté de Leda Rafanellide. On traverse les deux guerres mondiales, avec la reprise en dessins de documents d’époque qui aident le lectorat à s’immerger dans ces années noires.
Le titre vient du surnom donné à Leda Rafanelli quand délaissant l’activisme militant et éditorial, elle devient chiromancienne. On est dans les années 1930.
Cette bande dessinée est une œuvre passionnante, à la fois biographie en empathie avec son sujet et récit historique de l’Italie de la première moitié du vingtième siècle surtout.

tosseri Gonzague, Rouge passé. Histoire d’une rédemption, dessin gobbi Nicola, suivi de l’article « idéologie et terrorisme » d’Alessandra Orsini, Steinkis, 2019, 173 p. 20€
En 1977, Anna Laura Braghetti entre dans les Brigades Rouges. Le 27 mai 1980 elle est arrêtée pour avoir abattu Bachelet, le président du Conseil Supérieur de la magistrature. Elle est condamnée à perpétuité. La bande dessinée commence à ce moment-là. Le frère de Bachelet, qui est curé, vient lui rendre visite. La prisonnière se confie à lui. Cette confession devient dans le titre acte de rédemption soit une interprétation judéo-chrétienne d’un rachat par la confession et l’expression de remords.
Le récit interroge la lutte en couvrant trois années (1977-1980) de la vie italienne, durant les années de plomb. La bande dessinée montre la coupure avec la famille pour réaliser un rêve d’égalité contre l’exploitation capitaliste ; elle montre l’isolement à l’intérieur du seul groupe des Brigades Rouges et le respect des règles strictes de vie dans le lieu où elle est installée par l’organisation : « être comme un fantôme pour tous ceux qui ne font pas partie [de l’organisation] ». Le membre ainsi isolé vit à l’intérieur d’un temps spécifique, sans lien direct avec le temps du dehors. Dans l’univers ainsi créé et imposé par la clandestinité, les cibles sont travaillées jusqu’à ne plus être des personnes mais seulement des symboles, symboles à abattre pour la cause de la Révolution par l’avant-garde armée au nom du peuple opprimé.
Anna Laura Braghetti est présente dans l’appartement où est séquestré Aldo Moro (1916-1978). Président du parti de la démocratie chrétienne, il sera tué, le gouvernement et la papauté décidant de ne pas répondre aux revendications des Brigades Rouges pour lui sauver la vie. L’œuvre graphique, dans des tons mats où le gris et le marron jouent une symphonie de la vie engagée dans ce qui s’avère une impasse, épouse avec intelligence le scénario à charge de Tosseri, journaliste au journal patronal Les Echos.
Philippe Geneste
NB : On lira avec grand intérêt de Barbara Balzerani, Camarade lune, traduit de l’italien par Monique Baccelli, Paris, éditions Cabourakis, 2017, 135 p. Il s’agit d’un récit à teneur autobiographique, par une membre des Brigades Rouges qui n’est pas dans le reniement mais questionne la réalité présente par une multitude d’interrogations égrenées à chaque page. Ces dernières portent sur son propre engagement, sur ses origines ouvrières, sur les raisons de la colère sociale, sur la révolte et ses modalités d’exercice. Livre ouvert, Camarade lune est un récit de haute exigence qui impose la contextualisation des événements relatés. En effet, leur historicisation est seule garante d’une compréhension globale. C’est en cela un livre à contre-courant tant il refuse l’atomisation ambiante. Il combat, de fait, le consensus de l’individualisme contemporain promu pour étouffer l’appréhension du réel par la lutte des classes.
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Causse Rolande, Vézinet Nane, Louise Michel, oskar, 2018, 61 p. 9€95
Après l’excellent Courage mademoiselle Louise, de Barbeau et Gousset, après Louise Michel une femme libre de Lucile Chastre, l’éditeur oskar propose cette biographie conçue par Vézinet et Causse, simplement intitulée, Louise Michel. Sa spécificité est de s’attarder sur la jeunesse de Louise Michel, son admiration pour Hugo, l’éducation reçue. La reconstruction fictionnelle est adroite et l’écriture simple. Les auteurs brossent ensuite, mais très rapidement, les pérégrinations de la militante engagée.
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Simard Éric, Charlie Chaplin, je fais rire le monde entier, oskar éditeur, 2019, 43 p. 4€95
L’auteur a soin de faire correspondre, quand il le peut, les épisodes de la biographie de Charlie Chaplin (acteur, réalisateur, scénariste, producteur, compositeur) avec des extraits des films. Au fil des chapitres, qui suivent chronologiquement sa vie, sont mentionnés, avec références précises, les passages des œuvres où le jeune lectorat peut voir comment le réel a été transposé au cinéma par l’artiste. Éric Simard insiste sur le lien qui unit l’œuvre créatrice de Charlie Chaplin à sa vie. Un très bon livre pour les 8/10 ans. Ph. G.

01/12/2019

Éduquer ou soumettre

Delmotte Benjamin, C’est pour ton bien! Éduquer ou soumettre ?, dessins d’Alfred, Gallimard, collection Philophile, 2019, 48 p. 10€
Cette collection s’adresse aux lycéens. Ce volume interroge la notion d’éducation en prenant appui sur l’expression « c’est pour ton bien », que l’adolescent a souvent entendu durant sa jeune expérience. Y a-t-il une légitimité à décider pour autrui ? N’y a-t-il pas un danger à accepter l’idée que d’autres décident de notre vie ? La liberté de l’individu ne s’en trouverait-elle pas grignotée ? Mais d’un autre côté, l’être humain, en tant qu’être social, ne doit-il pas dépasser l’atomisation des individus ? L’humanité s’est constituée grâce à la socialisation seule à même de répondre à l’ensemble des besoins de chacun et chacune. Sans la socialisation, l’autonomie n’est-elle pas un mot creux ? Personne, aucun individu ne peut maîtriser l’ensemble des savoirs ; aussi, n’est-ce pas la coordination des individus, des métiers et des connaissances qui peuvent libérer les humains des contraintes de l’environnement ?
Et puis, c’est quoi notre « bien » ? Serait-ce la somme des marchandises ? La capacité d’acheter des produits enviés ? Le monde des choses, l’univers du marché, ne risquerait-il pas de piloter nos existences ? Pensons à internet, au pouvoir pris sur la vie par les réseaux dits sociaux : s’y mouvoir est-ce se soumettre ou exercer notre liberté ?
Enfin, « c’est pour ton bien », veut-il dire qu’il faut souffrir ou passer par une phase de malheur pour que se réalise le bonheur ? Le présent doit-il être sacrifié au futur ? L’éducation doit-elle viser à développer la capacité à exercer la liberté ou alors à acquérir la capacité de soumission à des préceptes (ceux enseignés dans la famille ou l’école, par exemple) ? A quelles conditions, règles, normes et liberté peuvent-elles entrer en compatibilité ? Le peuvent-elles, d’ailleurs ?
Le livre explore ainsi, avec vivacité, avec clarté, le paradoxe de l’injonction faite aux individus d’être autonomes (se gouverner soi-même) à l’intérieur d’un cadre social hétéronome (l’hétéronomie étant la loi imposée par l’autre). Il démontre aussi comment la personne intériorise des contraintes qu’elle fait siennes jusqu’à prendre la forme d’un « commandement intérieur ». Il montre enfin la nature historique de l’éducation qui la fait échapper à la science : « peut-être faut-il d’autant mieux » le comprendre « que cela nous fera échapper à la bonne conscience de ceux qui sont pleins de certitudes dans ce domaine, et qui pensent pouvoir s’en remettre à des principes “naturels”, que les sciences cognitives auraient pour fonction de mettre à jour » (44). En revanche ce qui est au cœur de l’éducation est la relation humaine dont celle entre un adulte et un ou des enfants. Pour que celle-ci soit épanouissante, il faut que la situation d’apprentissage amène l’enfant à réfléchir sur le bien fondé de ses conduites et, aussi, que l’adulte sache suivre les enfants dans leur développement et pour cela soit à même d’interroger ses certitudes, d’y déceler des préjugés.

Philippe Geneste