COLOT Marie, Mori, graines de géants dans les forêts urbaines d’Akira Miyawaki, illustrations de Noémie MARSILY, éditions CotCotCot, 2024, 200 p. 24€
Ce
roman est un roman d’apprentissage. On y suit Mikiko à partir de ses 4 ans.
Elle vit dans une ville japonaise, au milieu d’immeubles. Elle vit seule avec
une mère qui travaille dur pour élever son enfant et assurer le quotidien. Lorsque
Mikiko a huit ans, sa nounou, une voisine obèse, téléphage mais tendre, meurt,
Mikiko découvre de la fenêtre de l’appartement, un terrain vague, à la terre
couleur de bis,« nappée de points d’un vert rafraîchissant ».
Émerveillée, elle va surprendre l’activité d’un retraité, Akira Miyawaki qui
prépare la terre pour planter des arbres. À 10 ans elle devient son assistante,
car le vieil homme l’a prise sous son aile. Il est botaniste et porte le rêve
de recréer des forêts qui poussent plus rapidement grâce à un mélange savant
d’espèces, et ce sur des territoires détruits par les hommes, ou sur des
terrains urbains. C’est la méthode Miyawaki dont une des annexes du roman
présente l’historique et les principes.
Mikiko
est une dessinatrice forcenée et elle passe des heures, en dehors de l’aide
prodiguée à la culture du terrain où la forêt prend forme, à dessiner avec des
crayons de couleur. Elle admire son maître en agriculture et botanique. C’est à
ce moment qu’est introduit, dans l’histoire, Kakuzō, le neveu d’Akira. Il
faudra plusieurs années pour que les enfants coopérèrent puis s’apprécient
jusqu’à ce que se noue entre eux un lien d’amour. Entre temps, la méthode
Miyawaki est devenue célèbre et le botaniste court le monde pour la création de
mini-forêts urbaines.
Kakuzō fait des études de botanique, Mikiko part dans une école d’art.
L’histoire
est servie par un travail particulièrement pertinent de Noémie Marsily. Les
peintures qui oscillent entre planches naturalistes, illustrations de fanzine,
sont empreintes d’une surcharge de traits comme si le monde offrait à qui sait
le voir (sait le peindre ?) un univers idéogrammatique. Surréaliste
parfois, réalisme merveilleux souvent, tableaux en approche d’impressionnisme,
la profusion graphique de Mori (…) épouse sans s’y asservir
l’écriture tendre, limpide, de Marie Colot. L’écrivaine introduit de nombreux
mots japonais, afin de concentrer la diégèse sur l’environnement japonais où
elle se déploie. Ces mots sont explicités, sans lourdeur, et un lexique
raisonné se trouve en annexe qui permet aux jeunes et vieux lecteurs et
lectrices de retrouver aisément un mot déjà rencontré.
Le
blog https://lisezjeunessepg.blogspot.com/
a déjà chroniqué un ouvrage de cette collection Les Randonnées Graphiques,
inaugurée en 2022par la très attentive éditrice de CotCotCot. Ce cinquième opus
est d’une même qualité éditoriale et créative.
Marie
Colot réussit, sans didactisme aucun, en serrant seulement au plus près son
écriture et son style, à éviter la fiction documentaire pour rester dans la
narration d’une histoire. Mais, et c’est une force de cet ouvrage, en
s’appuyant sur une structure du roman d’apprentissage, le déploiement des
événements formant l’histoire distille aussi tout un univers de savoirs de
pleine actualité. Les thèmes présents sont innombrables : la mort, la
nature, la ville, la relation humaine, le rapport entre les générations, la science,
la politique écologique, l’amour, et bien sûr, une invitation à découvrir
certains aspects de la vie japonaise.
HOLIK Klára,
NIESNER Ivi, SEDLÁČKOVÁ Jana, La Vie secrète des forêts, illustré par
Katarina KRATOCHVILOVÁ, Albatros, 2024, 64 p. 19€90
Il
existe de plus en plus de documentaires sur la forêt. Celui proposé par les
éditions Albatros se remarque par sa composition intégrante de multiples
aspects informatifs et explicatifs qui en font un manuel d’écologie forestière
à l’usage des enfants de 9 à 15 ans. Divisé en dix-neuf chapitres formés chacun
de deux doubles pages, il propose au lectorat une vue panoramique vivante,
facile d’accès sans être simpliste, rassemblant des connaissances accumulées
sur les arbres, la forêt comme milieu de vie, les enjeux y compris économiques
(présents même si la question n’est pas très développée ce qui se comprend vu
l’orientation du livre), des aspects pratiques invitant à l’observation in
situ.
La
commission lisez jeunesse a été particulièrement sensible aux multiples
explications ayant pour sujet l’entraide entre les arbres y compris d’espèces
différentes. Mais l’album est tellement riche que les sujets d’intérêts
foisonnent, comme par exemples : la présentation de la
dendrochronologie ; l’enjeu des forêts mixtes par rapport aux monocultures
privilégiées par l’industrie forestière et la recherche du profit qui la
gouverne ; la migration sensationnelle des graines d’érable, de peuplier,
de bouleau, de saule, celle des forêts elles-mêmes qui se déplacent à pas lent
vers le nord pour résister au réchauffement climatique ; la vie en
symbiose des champignons, la symbiose étant le nom biologique de l’entraide
végétale, quoique le champignon soit un organisme entre l’animal et le
végétal ; la description dans plusieurs chapitres de la vie souterraine
liée aux arbres, dont le monde des fourmis, des champignons élevés par elles,
des vers de terre et des galeries qu’ils creusent… ; la découverte des
mousses dont il existe 20 000 espèces depuis des centaines de millions
d’année et dont l’ouvrage livre quelques secrets et fonctions ; le détail
des différents milieux forestiers selon leur répartition géographique etc.
La Vie secrète des forêts est à la fois un régal, une mine de
connaissances, un plaisir de lecture parce que facile, bien que d’une haute
exigence de contenu.
Philippe
Geneste