Anachroniques

27/12/2018

Beaux livres en fêtes

Beaux livres

Les éditions pour la jeunesse proposent tant de beaux livres que la catégorie ici, n’en est point une… Voici un choix pour les fêtes réalisée par les membres animateurs du blog lisezjeunessepg dont la commission jeune.

Smith Mike, Hennesey Jonathan, Une Histoire de la bière en BD, dessins d’Aaron McConnell, Steinkis, 2015, 172 p. 15€
Selon le discours officiel, « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé », vérité certes, et du coup, le seul discours sur les produits psychotropes empruntent le chemin de la morale et du civisme. Le problème, c’est que se trouve mis hors de portée des consciences les relations étroites tenues par nombre de peuples avec ces produits. Or, la transformation de fruits de la nature en produits cultuels ou culturels explore l’humanité au même titre que d’autres mœurs et transformations de la matière par lesquelles les civilisations se sont forgées. L’ouvrage de Smith, Hennesey et McConnell traite, sur un grand format et avec érudition de la naissance de la bière au sein de peuples, des cultes auxquels elle semble s’être rattachée, puis de son développement. Les procédés techniques qui en gouvernent y sont détaillés, en accompagnement de son histoire, y replaçant les mythologies afférentes. L’ouvrage détaille la domestication des levures de bière, l’évolution jusqu’à aujourd’hui en passant par les temps de la prohibition aux Etats-Unis. En explorant la place de la bière dans la vie quotidienne et les rites religieux ou les usages politiques qui en sont faits, les auteurs ouvrent aux esprits la voie d’un regard critique instruit sur la question d’un des psychotropes les plus communément bus.

Agard John, Je m’appelle Livre et je vais vous raconter mon histoire, illustrations par Neil Packer, Nathan, 2015, 143 p. 13€90
L’écrivain et poète John Agard se met dans la peau d’un livre qui raconte son histoire. On pourrait résumer l’ouvrage aux illustrations en noir et blanc stylisées sous la forme d’une devinette : Qu’est-ce qui, en son commencement, fut minéral ? Qu’est-ce qui devint végétal ? Puis se transforma en animal ? Et qui, aujourd’hui est digital ?
Réponse : le livre, bien sûr qui eut pour support l’argile,  puis le papyrus (byblos) avant de se trouver sur du parchemin et qui, aujourd’hui, est transporté sur liseuses numériques et e.book.
Autre devinette : qu’est-ce qui a commencé tablette et qui retourne aujourd’hui à la tablette, sous nouvelle forme ?
Le livre d’Agard entre dans le détail de la tablette (d’argile, heureuse coïncidence des mots), du rouleau, du codex, de l’imprimerie et de la rotative. Agard conte aussi les grandes étapes de l’écriture cunéiforme, hiéroglyphique, alphabétique.
Le poète et l’illustratrice content les mésaventures, les épreuves du feu qui commencèrent en Chine, se poursuivirent avec les bûchers du Moyen âge, les codex mayas brûlés au XVIème siècle, les bûchers nazis du XXème siècle, la bibliothèque de Bagdad ravagée par les flammes en 1991, celle de Sarajevo en 1992…
C’est un livre qu’on feuillette, qu’on bouquine (clin d’œil à l’écorce du hêtre, boc en ancien anglais devenu book et bouquin) feuille à feuille (de palmier en Inde, de mûrier au Japon, de bananier aux Philippines, de papier longtemps et encore.
Ce livre est un chef d’œuvre tout autant qu’un beau livre.

Zucchelli-Romer Claire, Les petits doigts dansent, Milan, 2016, 26 p. 13€90
Des formes simples aux couleurs fluo sont creusées dans chaque page. L’enfant les suit et figure ainsi des rectangles, des triangles, des cercles, des sinusoïdes, des traits… Le texte invite à une activité de l’adulte avec l’enfant et ce n’est d’ailleurs qu’à travers l’activité que le livre prend tout son sens. L’horizontalité, la verticalité, sont éprouvées, des rythmes se créent en sautant de forme en forme ou de couleur en couleur. Et toujours ce texte pour guider l’adulte ou lui suggérer un ordre d’actions à faire faire à l’enfant sur les doubles pages cartonnées et creusées. Il ne s’agit pas d’apprendre la géométrie, mais de développer la motricité chez l’enfant. Le dialogue avec les parents lui permettra de développer aussi son imagination, en cherchant à voir ce que sont ces formes. En général c’est l’adulte qui initiera l’enfant à des rapprochements figuratifs avec le réel. C’est une promenade graphique par le biais sensoriel.

Zucchelli-Romer Claire, Les petits doigts sur le chemin de l’école, Milan, 2016, 26 p. 13€90
Bâti sur la même conception que le précédent, ce nouvel ouvrage avec ses formes simples tracées en couleur fluo sur des aplats de couleurs douces, raconte une historiette qui est aussi un ensemble articulé de consignes. Si la motricité des doigts et celle de la main sont requises, c’est pour propédeutique à l’écriture, mais sans aucune contrainte sans aucun formalisme. L’enfant fait les gestes pour suivre le chemin de l’école, et ce faisant va droit, parcourt l’espace en boucles, fait un retour en arrière, monte, descend. Le graphisme épuré du livre laisse libre cours à l’imaginaire du petit, appuyé sur le texte simple et poétique à la fois, mais sans verser dans l’image ou la métaphore. C’est à nouveau un excellent ouvrage.

Mon Grand Imagier sonore illustré par Kiko, Milan, 2018, 24 p. 19€90
Chaque double page est consacré à un thème relevant de la vie quotidienne. Les objets et animaux etc. inclus dans la double page, selon le principe de l’imagier (une image portant en dessous un mot), font l’objet d’un son que l’enfant actionne en appuyant sur le bouton propre à la double page. Au final, le livre devient un espace visuel autant que sonore qui ravit les petits enfants et qui instruit par ces deux sens (vue et ouïe) l’univers de la désignation du monde environnant. Un bel instrument pour enrichir son langage. On utilisera l’ouvrage d’abord en accompagnant l’enfant dès 1 an. Plus tard, on laissera l’enfant seul explorer les doubles pages. Une belle réalisation des éditions Milan.
Philippe Geneste

Zücher Muriel, Terriens mode d’emploi, illustrations de Stéphane Nicolet, Casterman, 2017, 64 p. 11€90
Cet ouvrage se présente comme un roman. Sa lecture porte à le considérer comme une fiction d’anticipation prenant la forme du documentaire. Des extraterrestres viennent sur terre pour comprendre les mœurs, croyances et fonctionnements sociaux et économiques des terriens. Un terrienologue spécialisé dans les passions des créatures terrestres dresse un guide pour les explorateurs à venir et fait le point des découvertes scientifiques concernant les terriens : éthologie, psychologie, habitudes culinaires, les formes de regroupement - famille ou société- etc. Le guide fait aussi l’inventaire des outils nécessaires pour aller à la découverte de la planète Terre : droïdes traducteurs, conseils de base pour y vivre, gestes de survie face aux réactions émotives des terriens etc. Un ouvrage à lire dès 8/9 ans jusqu’à 11/12 ans voire plus.

Mc Gowan Anthony, J’ai tué le Père Noël, Ridell Chris, Milan, 2018, 80 p. 8€90
Prix modeste pour ce petit livre à la couverture cartonnée et à la tranche arrondie. L’histoire est facétieuse autour de la croyance au Père Noël. Les illustrations de Chris Ridell donnent un charme fantaisiste.

Commission lisez jeunesse

16/12/2018

Une vie d’après

LONG, Hayley, Nos vies en mille morceaux, Gallimard jeunesse, 2018, 327 p., 15,50 euros.
Résumé :
Première et deuxième parties du livre «  Partout et nulle part  » et «  Brooklyn  » :
            Dylan est un adolescent de 15 ans. Il est le narrateur de cette histoire, écrite à la première personne. Il vit avec ses parents et son petit frère Griff, âgé de 13 ans. Lorsqu'ils étaient enfants, leurs parents ne cessaient de voyager à travers le monde (Shangaï, Barcelone...) sans vraiment se poser. Après être partis en vacances, ils sont tous en voiture pour rentrer chez eux, à New-York cette fois, lorsqu'un accident survient : leurs parents décèdent. Dans un premier temps, les deux orphelins sont recueillis par Blessing, la principale de leur ancien collège (ils n'y retournent pas puisque c'est les vacances), collègue et amie de leurs parents (qui étaient tous les deux enseignants d'anglais). Ils écoutent de la musique, profitent de la compagnie des animaux de Blessing : Marlon le chien et Pudders l'horrible chatte, pour faire leur deuil. Dylan se réfugie souvent dans « un lieu si proche si loin », c'est-à-dire un lieu peuplé par ses propres pensées et sa propre imagination, où il revit des souvenirs où ses parents sont souvent présents. Le lecteur connaît ainsi les événements de son enfance, marquée par les déménagements et les différents lieux où il a habité, son premier amour avec Mathilda, une petite allemande dont les parents étaient très amis avec les siens.
Troisième et quatrième parties du livre « Aberystwyth » et « A jamais ici et là »  :
            Au bout d'un certain temps, Dee, une cousine de leur maman, souhaite récupérer les enfants (leurs parents n'étant pas très liés avec le reste de leur famille, les garçons ont juste reçu des cartes de condoléances). Elle habite au pays de Galles, à Aberystwyth. Les enfants déménagent une fois de plus pour s'y rendre. Dee et son mari Owen se montrent très patients, très attentifs envers eux. Griff, à contrecœur, finit par retourner au collège. Il a du mal à s'habituer à ce nouvel endroit, avec des paysages et une langue locale qu'il ne connaît pas, et à se confier à ses tuteurs, pourtant très gentils. Il rencontre une élève de son collège, Hari, et accepte, sans enthousiasme, de participer avec elle à un programme où des bénévoles doivent rendre visite à des personnes âgées. Griff, toujours accompagné de Dylan, s'occupe de Powell, un vieux monsieur très sympathique qui vit dans une maison de retraite. Il est seul depuis le décès de sa femme.
            C'est à ce moment de l'histoire seulement que je me suis rendue compte que certains détails me semblaient étranges... Dylan accompagne tous les jours son frère au collège... Puis repart, ne sachant pas trop où aller. Comment se fait-il que lui-même n'aille pas au lycée ? Il écoute des conversations entre Hari et Griff, qui sont de plus en plus complices. Pourquoi ne participe-t-il pas à la discussion ? Comment se fait-il qu'il reste là alors que son petit frère discute, en privé, avec une fille ? Et, un jour où il laisse Griff seul avec Powell, Dylan va l'attendre dans le jardin. Il rencontre alors la femme de Powell qui jardine. Mais les fleurs qu'elle coupe ne vont pas dans son panier et restent au sol... Le lecteur comprend alors que Dylan est décédé lui aussi lors de cet accident de voiture. Il veille sur son petit frère depuis tout ce temps, de même que la vieille dame veille sur son mari Powell.
            Dans la dernière partie du livre, Powell se confie à Griff en lui racontant son histoire : il vient d'une famille polonaise, son vrai nom est Pawel Ciechanowski. Lorsqu'il avait 7 ans, la guerre a éclaté. Pour protéger son enfant, sa maman l'a envoyé à  Aberystwyth chez une cousine à elle qui avait épousé un marin anglais. Pawel n'a plus jamais vu ses parents. Il a été adopté par cette cousine et a pris le nom de son mari : Roberts. Son prénom a également été modifié. Cette histoire bouleverse Griff qui s'effondre en pleurs dans les bras du vieil homme, un peu surpris. Plus tard, il arrive enfin à se confier à Hari sur l'accident et à parler de Dylan. Ce dernier s'en va alors, convaincu que son frère va mieux, a accepté sa nouvelle vie auprès de ses parents d'adoption et de sa nouvelle amie.

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé ce roman dont la fin m'a vraiment surprise, je ne m'attendais pas du tout à la tournure fantastique du livre. Il faut le relire pour remarquer qu'en effet, la plupart des personnages ne s'adressent jamais directement à Dylan. Pourtant, certains le font, comme l'infirmier qui est à l'hôpital après l'accident, Angel (qui est sans doute comme lui), l'amie de Blessing, une vieille dame nommée Freda, qui est un peu une voyante et les animaux qui réagissent également à la présence de Dylan. Mais les deux premières parties du livre sont vraiment écrites de manière à ce que le lecteur pense que Dylan est bien là (il participe aux discussions (sauf qu'on ne lui répond jamais directement), il est à la table avec Dee, Owen et Griff...). Ce n'est qu'une fois au pays de Galles que certains soupçons apparaissent chez le lecteur, soupçons confirmés lors de la rencontre entre Dylan et la femme de Powell. J'ai aimé l'idée d'un « lieu si proche si loin » avec les souvenirs du personnage et le lien, « la connexion cosmique » entre les deux frères. Ce livre est écrit de façon assez poétique, avec beaucoup de références à la musique (il y a même une « playlist » à la fin du livre).

Milena Geneste-Mas

09/12/2018

Quand le monde fait écran

Cohen-Scali Sarah, Connexions dangereuses, Flammarion Jeunesse, 2018, 187 p. 10€
Cet ouvrage est la réédition d’un roman paru initialement en 2002. La place accrue prise par les nouvelles technologies de communication et d’information dans l’univers des adolescents ne fait que rendre plus actuel ce que met en scène Connexions dangereuses : le pouvoir des messages médiés par le mail et portant sur la vie relationnelle d’un groupe d’adolescents, ici des élèves d’une classe de troisième.
Une adolescente et son petit ami-amant jouent à pervertir les relations amoureuses ou de séduction entretenues par eux ou par d’autres élèves de la classe. Aux 34 courriels et lettres qui composent le roman, Sarah Cohen-Scali ajoute 5 extraits de journaux intimes de deux protagonistes, dont une, essentiellement. Le schéma de ce récit épistolaire reprend explicitement celui du roman Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, paru en 1782.
La structure des liens entre les personnages en est très proche : une fille, Virginie, qui pilote le montage des relations, par le jeu pervers de la séduction ; Bastien, le complice mais aussi le rival, qui va réellement tomber amoureux, mais ne saura pas sortir des rôles dans lesquels il s’est enferré ; Audrey, une jeune fille atteinte de boulimie suite à un inceste. Repliée à l’intérieur de sa souffrance, .elle va naître à l’amour. Puis comprenant qu’il s’agit d’un leurre elle tenter de mettre fin à ses jours ; Delphine, une jeune fille arrivant d’une école privée d’Afrique du Sud, qui va se lancer aveuglément dans la coquetterie et la séduction. Ce sont les figures en reflet de Merteuil, Valmont, Tourvel, Cécile de Volanges, personnages du roman de Laclos. Francis, qui devient l’amoureux de Delphine, joue, lui, le rôle de Danceny dans le roman de Laclos : c’est lui qui poignarde mortellement Bastien qui a créé le scandale en affichant une photographie de Delphine nue dans le foyer des élèves.
Comme Les Liaisons dangereuses, Connexions dangereuses est un récit d’initiation pour tous les personnages et pas seulement Audrey et Delphine, une sorte d’éducation sentimentale des adolescents d’aujourd’hui. A travers Virginie, le machisme est dénoncé, mais cette dénonciation sombre dans une volonté d’emprise sur Bastien qui fleure un raffinement d’autorité. Le suicide d’Audrey, l’acte suicidaire final de Bastien, soulignent que les pièges des relations épistolaires par courriels et l’exposition des images des uns ou des autres sur les réseaux sociaux aliènent les individus, les victimes mais aussi les auteurs. Ici, le récit de Cohen-Scali s’émancipe de son modèle. La théâtralisation des relations intimes n’a pas une visée morale mais une volonté clinique de mettre les jeunes gens en face des faits construits par les correspondances. On peut définir Connexions dangereuses comme une fiction de non-fiction.
Pour souligner les risques de la domination du paraître sur l’être, l’autrice intègre le journal intime d’Audrey, écriture de vérité et seul moment d’écriture authentique pour Virginie dont c’est le dernier écrit dans le roman. Si on retrouve bien la mise en scène de l’interdit, de sa violation comme entrée en lice de la séduction, de la punition finale après les deux suicides et l’effondrement de la frivolité perverse ou sensualité niaise de Delphine, si on retrouve bien ce schéma issu du livre de Laclos, son dernier temps (la punition) se mue en une prise de conscience des protagonistes.
Ce qui le permet, c’est le dispositif épistolaire où s’entrecroisent la relation Virginie/Bastien, la relation Bastien/Audrey, la relation Delphine/Francis (un personnage rival de Bastien) qu’entravera Bastien sur ordre de Virginie. La lettre représente les événements, elle ne les raconte pas, mais l’entrecroisement des lettres prend fonction de narration sur laquelle le lecteur s’appuie pour construire l’intrigue. Connexions dangereuses n’est pas comme Les Liaisons dangereuses une tragédie mais un drame. La libération des sens de Micky, l’amie de Delphine restée en Afrique Sud, la mort laissée en suspens d’Audrey et Bastien, tous les deux dans le coma à l’issue inconnue quand on referme le livre, le repentir inscrit sur le journal intime de Virginie, sont autant de preuves que Cohen-Scali a voulu privilégier la prise de conscience, la réflexion du jeune lectorat quitte à sacrifier un peu de la logique propre de son récit. Elle inscrit ainsi un trait propre au naturalisme tempéré (1) né à la fin des années 1990 dans le roman d’apprentissage destiné à la jeunesse et dont Burgess fut une figure notoire.
Enfin, dernier clin d’œil aux Liaisons dangereuses de Laclos, les échanges de courriels et lettres racontent l’histoire du roman. La dernière lettre est celle du professeur de français de la classe, qui adresse à un éditeur le tapuscrit titré Connexions dangereuses, roman épistolaire écrit par les élèves de troisième durant un atelier d’écriture. Ainsi, « l’histoire du roman est l’histoire dans le roman » (2).
Philippe Geneste
(1) Voir Philippe Geneste, « Le roman d’apprentissage, une évolution difficile vers un naturalisme tempéré », L’Ecole Emancipée, hors-série mai 1999 p.30 (2) Todorov, Tzvetan, « Choderlos de Laclos et la théorie du récit », Tel Quel, 1966 n°27
NB : signalons aussi le roman de Cathy Cassidy, Les Filles en chocolat. Cœur Vanille, traduit de l’anglais par Anne Guitton, 2017.

Guiller Audrey, Les écrans, illustrations d’Andrés Lozano, Milan, 2017, 40 p. 8€90
Ce documentaire paru fin 2017 s’adresse aux enfants de 8 à 12 ans. Chaque double page traite d’une problématique liée à l’utilisation des écrans dans la vie quotidienne : pourquoi les écrans attirent mon regard ? Que fait mon cerveau quand je joue sur l’ordinateur ? D’où viennent les images que l’on voit à l’écran ? Pourquoi les télés étaient très grosses avant ? Qui fabrique les écrans ? C’est vrai, tout ce qu’on voit à la télé ? Pourquoi mes parents veulent que j’éteigne la télé ? Pourquoi on dit que les écrans fatiguent les yeux ? Est-ce que les écrans vont remplacer les livres ? Pourquoi mamie dit que c’est compliqué les écrans ? Est-ce qu’on a des écrans dans tous les pays du monde ? Pourquoi je ne peux pas aller tout seul sur internet ?
D’autres sujets sont aussi abordés : pourquoi l’écran ne captive pas l’attention du chien ? Où trouve-t-on des écrans ? C’est quoi internet ? Quelle mémoire est mobilisée quand on travaille à l’écran ?
Alors oui, cet ouvrage est bien fait et agréable à consulter avec son papier glacé.
Le seul bémol tient au parti pris courant en littérature de jeunesse : les questions liées à l’exploitation sont évacuées du documentaire. Ainsi, le livre mentionne bien les terres rares (terbium, cérium) utilisées pour fabriquer les écrans mais rien n’est dit sur les conditions de leur extraction. Pourtant, c’était l’occasion de montrer comment le travail des enfants sert les profits des entreprises du secteur. En revanche, il est bien dit que leur extraction est polluante : polluer n’est pas mis en relation avec exploiter. De même, l’ouvrage mentionne l’inégale répartition des écrans sur la planète, mais rien n’est dit de l’inégalitaire répartition des richesses entre les pays.

Commission lisez jeunesse

02/12/2018

Je préfèrerais n’en rien dire et pourtant…

DESHORS, Sylvie, Coup de talon, Editions Talents Hauts, 2013, 96 pages, 8 euros (ISBN : 978-2362661006)

Résumé :
Laure est une collégienne d'environ 15 ans, blonde, coquette et populaire. Sa sœur, Lucie, qui n'a que treize mois de moins qu'elle, est une petite brune. Les deux sœurs ont pour passion commune la natation... Un soir, tout bascule. Alors qu'elles attendent dans le métro, Lucie s'éloigne un peu de sa sœur pour discuter avec une copine. Mais lorsqu'elle revient, Laure est en train de se faire agresser par des garçons qui lui volent son sac à main. L'attaque est très rapide. Personne ne réagit, excepté Lucie. Les agresseurs se sont enfuis ; Lucie prend sa sœur dans ses bras. Laure lui confie que les garçons l'ont insultée et touchée. Elle se sent humiliée et salie. Elle fait promettre à Lucie de ne signaler à leurs parents que le vol du sac et de ne rien dire de l'agression. A personne. Lucie accepte.
Mais Laure se renferme de plus en plus sur elle-même. Elle, auparavant très coquette, ne s'habille plus qu'en jogging, elle ne va plus aux cours de natation, repousse l'aide de ses amies, ses résultats baissent au collège, elle parle mal à Lucie... Elle pense que c'est parce qu'elle est blonde et jolie que les agresseurs l'ont choisie pour cible. Un dimanche après-midi, leurs parents, qui ont remarqué son changement d'attitude, décident d'emmener leurs filles à la plage. Mais une fois installés sur le sable, ils se retrouvent sous la pluie et sont obligés de rentrer ! Alors qu'ils retournent tous à la voiture, Laure trouve un chaton abandonné et affamé. Ils décident de l'adopter, à condition que Laure améliore ses résultats au collège. Elle accepte, heureuse de s'occuper du petit animal mais ne parvient toujours pas à s'ouvrir à ses amies ou à ses parents.
Un samedi soir, le meilleur ami de Lucie, Timéo, l'invite à un repas de famille chez lui. Sa maman accepte en demandant à Lucie d'emmener Laure avec elle. Timéo a quatre sœurs présentes à la soirée qui s'entendent très bien avec elles. Le lendemain, Timéo décide de les laisser aller à la plage entre filles. Laure se confie alors petit à petit à ses amies. Alors qu'elles sont en train de se baigner, Laure plonge et remonte à la surface de l'eau et de sa propre vie, grâce à un "coup de talon".

Mon avis :
Si la personnalité des personnages n'est pas très complexe, ce livre reste efficace pour faire comprendre combien des insultes et des attouchements peuvent traumatiser une victime, même sans aller jusqu'au viol. Le fait que le style de l'auteur soit assez simple, que le livre soit très court et facile à lire (je l'ai lu en deux heures) permet à un jeune public, comme des collégiens, de le lire et de saisir, rapidement, le message de l'auteur. En effet, cette histoire fait bien comprendre le traumatisme qu'une agression peut causer et montre combien il est important d'en parler. C'est parce qu'elle préfère ne rien dire à personne de l'attaque dans le métro que Laure sombre petit à petit. Elle rejette même la seule personne au courant, Lucie. A la fin du livre, c'est grâce à la patience de sa petite sœur, à la complicité et à l'écoute des sœurs de Timéo, que Laure finit par se confier et va choisir de donner un "coup de talon" pour rejoindre la surface, pour pouvoir respirer et être elle-même de nouveau.
Milena Geneste-Mas

Brami Elisabeth, Le Courage d’être moi, Nathan, 2018, 112 p. 5€95
Le titre édulcore un peu l’histoire. Il s’agit d’un cas de harcèlement, comme il peut se produire dans les cours de récréation des collèges. On est en classe de quatrième. Un garçon timide subit les moqueries de ses pairs. La dépression guette. Une amie, Manon, va à sa rencontre et le motive pour qu’il ne se laisse pas faire. Les jeunes lecteurs et jeunes lectrices discutent âprement l’idée proposée par l’intrigue de répondre à la violence des harceleurs par la violence. Mais en même temps, il ressort bien de l’ouvrage que ce qui compte c’est de prendre courage, pour, moralement, être en mesure de répondre, non à coups de poings mais verbalement. Le livre montre également, que le harcèlement n’est pas le problème individuel du harcelé mais celui du groupe, de la classe. L’amitié, qui symbolise la solution solidaire au harcèlement, illustre avec intérêt cette affirmation : « Des fois, Personne c’est Quelqu’un. C’est alors que Manon est rentrée dans ma vie ».

La commission lisezjeunesse