L’art est fabrication
MORGAND
Virginie, Artistes !, illustrations de LE MOINE, Laetitia,
éditions Dada, 2025, 46 p. 16€
Voici,
dans la collection « Le Musée de poche », un ouvrage
documentaire sur l’art, qui oscille entre imagier, documentaire, livre
pratique. La sculpture, la peinture, le cinéma, l’architecture, la couture, le
street-art, le design, la calligraphie, la photographie, l’illustration, sont
les arts présentés. Ils le sont tous en deux temps : une double page
expose les outils et comme une devinette, on peut demander à l’enfant de quel
art il va s’agir ; une seconde double page présente le métier
correspondant. Par exemple, l’éponge, la spatule en métal, la gradine, la
gouge, le maillet, une branche, une estèque, un fil de coupe en métal, un
compas droit, un compas d’épaisseur, une paire de gants, des cailloux, un
ébauchoir, une pelle, une mirette, une pomme de pin, sont exposés et désignés
avant que la page se tourne sur le métier de la sculptrice ou du sculpteur. Et
pour les dix arts présentés, la richesse des instruments et outils est
similaire. Le livre est donc dense par la découverte des outils. Ce côté pratique
d’une certaine façon mais aussi documentaire de l’ouvrage en fait tout son
intérêt ; la couverture fortement cartonnée, les pages épaisses, les
couleurs tranchées et vives, donnent du plaisir à s’y plonger. Pour chaque
métier, d’autre part, les autrices proposent une définition qui se distingue de
celle convenue, en proposant aux enfants d’aller plus loin dans leur
connaissance ou dans leur exploration du monde qui les entoure. Bien sûr, il y
aurait grand intérêt à ce que l’enfant (le livre peut se lire du bas âge à 8
ans, voire plus si on en fait un livre pratique) puisse accéder à nombre des
outils mentionnés et, pourquoi pas, puisse aussi s’essayer à certaines
créations. Le livre devient alors une ressource pour les éducatrices et
éducateurs de jeunes enfants, pour les centres aérés, les colonies de vacances,
les écoles… Un livre riche.
Commission Lisezjeunesse avec Philippe Geneste
Pour les
professionnels de l’enfance et de l’éducation
BLÈS Marie-France, À Coups d’éclats : la
violence verbale et ses expressions. L’adulte, le bébé et la clinique,
Paris, L’Harmattan, 2025, 291 p., 31€
Voici
un livre qui intéressera les cliniciens, les pédagogues, les parents, les
éducateurs et nombre de professionnels de la santé et des services sociaux.
Marie-France Blès est
clinicienne qui s’est donné pour tâche dans ce livre d’analyser les figures
verbales de la violence, c’est-à-dire des tours de langage motivés par
l’intention de nuire ou de blesser, de rabaisser ou de faire du mal, de
détruire : impolitesse, mots grossiers, juron, injure, menace, insulte. Et
cela se rencontre dans tous les peuples du monde, mais avec des variantes
sociales et psycho-sociales. La violence verbale est aussi présente dans la
sphère politique. Par exemple, le président Macron a érigé la violence verbale
en normalité d’adresse aux classes populaires, si bien que la violence est un
marqueur de sa personnalité autoritaire. Dans la société, la violence verbale
accompagne les actes de cruauté, de maltraitance, d’agressivité, d’hostilité,
elle est au cœur d’intention offensante, destructive ou d’anéantissement, enfin
brutalité et coup s’appuient généralement sur elle.
Dans
tous les cas, la violence est un rapport et son analyse ne peut être que
l’analyse d’une interaction, un mode de rapport à l’autre. La violence verbale
est souvent le truchement d’une justification motivante de l’acte. Avec
l’insulte, par exemple, le locuteur vise à réduire l’interlocuteur à un « trait
dévalorisant » (p.77).
Le
livre de Marie-France Blès ne s’en tient pas là. Elle analyse aussi les formes
somatiques de la violence chez les tout petits et les petits. « Les
pédopsychiatres précisent que la violence serait “normale chez l’enfant avant
l’âge de trois ans dans un mouvement de vie et de survie” et pour “sauvegarder
la sécurité narcissique” dès lors que “tout objet externe” est vécu “comme
dangereux” » (p.240) ; la
violence est aussi présente dans le processus d’apprentissage du rapport aux
autres, aux interdits et l’adulte joue là un rôle important. Enfin, dans une
courte partie, la clinicienne brosse un état des lieux de l’usage du juron, du
mot grossier, de l’insulte etc. dans le milieu de la clinique et chez des
patients.
Philippe Geneste