SANCHEZ Josué & BUSSONNIERE Maguy, Tamaya et le dauphin rose / Tamaya y el delfin rosado, bilingue français-espagnol, L’Harmattan jeunesse, collection Contes des 4 vents, 2021, 24 p. 10€
L’album conte le voyage d’une petite
indienne du Pérou chez les indiens Shipibos. L’illustration aux couleurs vives,
en aplats, aux dessins évocateurs de la réalité des Andes et en même temps
naïvement stylisés aident le lectorat à se représenter cette région du monde.
Le voyage est l’occasion de découvrir un peuple qui vit en communautés dans des
villages sur les bords de l’Ucayali, en Amazonie péruvienne. Le dauphin rose
est une espèce en voie de disparition, à cause de la pollution et de la déforestation.
L’histoire est empathique, sensible aussi, glorifiant le rapport de l’humanité
avec la nature, de l’animal avec un peuple. L’édition bilingue est aussi un
enrichissement, linguistique cette fois.
ROMAN Ghislaine, Les Rêves d’Ima, DUBOIS Bertrand illustrations, Cipango, 2020, 34 P ; 18€50
Un album de grand format pour une
histoire qui plonge ses racines dans la tradition des mythes incas. Le travail
graphique stylisé est rehaussé de nombreux motifs qui accrochent la curiosité
enfantine. Bertrand Dubois use de couches superposées d’acrylique, « en travaillant des
matières au couteau sur du papier qui peut être ensuite découpé et intégré dans
l'image »
explique-t-il. L’illustrateur utilise aussi, parfois, des collages. Les compositions tendent au surréel, appuyées
par un travail des couleurs tantôt jouant sur le dégradé, tantôt se livrant en
floconnement sur les motifs, tantôt surgissant puissamment par la vivacité
imitative de l’art inca.
Ces couleurs vibrantes, les couches
superposées d’acrylique et l’utilisation abondante d’eau pour jouer avec les
transparences suggèrent l’âme torturée de la petite fille, Ima, fille d’un
pêcheur dont les frères et sœurs sont artisans, créateurs de bijoux, de
tissages, de poteries. Ils vivent dans un village andin dont la ville la plus
proche est Cuzco (Pérou). Ima, curieuse de tout, souffre de cauchemars. Le père
et la fratrie se désole de voir la petite péricliter. Rien ne semble pouvoir
stopper le mal incurable jusqu’au jour où le vieil indien, Kamak, donne à
l’enfant un attrapeur de rêves.
Le travail de couleurs à effets
d’aquarelles, effet d’une utilisation de l’acrylique en patte sans eau, crée un
paysage de songe, et introduit à la phase de guérison. Mais si Ima est libérée
des cauchemars, tous ces motifs, toutes les couleurs disparaissent des tissus,
des poteries, des bijoux fabriqués par les oncles et tantes. Ils perdent alors
leur moyen de subsistance. Ima comprend qu’il lui faut déterrer l’attrapeur de
rêves pour affronter ses hantises nocturnes et les écrire pour les partager.
Car c’est l’échange qui permet à
l’enfant de comprendre ses démons, de vivre avec cette part d’elle sans qu’elle
en soit détruite. L’écriture se fait alors thérapie, moyen d’appropriation et
d’apprivoisement du réel. Ima devient conteuse, renouant avec le lien qui unit
depuis le fond des âges le peuple inca à la terre et aux éléments naturels. Les
images du rêve représentent le passé, un passé que l’écriture du conte fait
présent et dont l’écoute imprimera l’avenir. Les Rêves d’Ima
rappelle que l’individu ne se prend d’autant mieux en main qu’il se comprend
participant à une collectivité. L’écriture est le symbole de la médiation
signifiante de la vie avec l’univers mental (les rêves, les images
mémorielles). En fin de compte, l’écriture est l’héroïne de cet album
magnifique, où le texte et l’image, l’un et l’autre de grande générosité, se
complètent harmonieusement.