Berteloot, René, Mélaine, Lyon, éditions de l’A.P.L.O., 2022, 289 p. (commande à l’Association pour la Promotion de la Littérature Ouvrière, chez Nathalie Berteloot, 14 bis rue des Noyers 69 005 Lyon, chèque de 22€+6€40 de port à l’ordre de l’A.P.L.O.)
Il faut louer le travail de
l’APLO qui rend à nouveau disponible ce prenant récit d’enfance, écrit par un
mineur, René Berteloot (1933-2020). Il faut d’autant plus louer cette
réédition, qu’elle a corrigé les travers marchands de la précédente, qui
présentait l’ouvrage comme des souvenirs d’un galibot, ce qu’il n’est
pas ! La note de l’éditeur revient sur ce point. Il faut aussi se réjouir
de cette édition car elle est précédée d’une préface importante de Paul
Berteloot, le frère de l’auteur. Par la contextualisation biographique du récit
et des informations apportées sur la genèse de l’écriture, cette préface permet
une entrée de plain-pied dans l’histoire. Enfin, il faut louer cette réédition
pour le travail éditorial portant sur un « glossaire explicitant les
termes locaux, anciens ou peu usités ». Le jeune lectorat rentrera
d’autant plus facilement dans l’histoire vivante de Mélaine. Les enseignants et
enseignantes de français trouveront aussi dans ce volume un bon support d’étude
pour le chapitre de leurs cours consacré à l’autobiographie. Les professeurs et
professeures d’Histoire y trouveront un support de choix pour l’étude
historique de la vie des mineurs du siècle dernier.
Mélaine transcende le
genre de l’autobiographie pour offrir un roman de la mine. Les portraits
abondent, portraits des figures familiales de l’écrivain, d’autres figures de
voisinage, portraits de mineurs, de cadres aussi. Les personnages évoluent en
traversant des scènes festives ou laborieuses de la vie collective ou familiale
du peuple. Peu à peu l’univers de la mine s’anime, elle prend le lecteur.
Parfois, les figures individuelles laissent la place au collectif des
prolétaires et le récit au singulier ouvre les pages d’une mémoire calaisienne collective.
Pourquoi ce nom Mélaine ?
Dans une étude sur Jean Robinet, Jérôme Radwan, qui évoque avec
force érudition la part polonaise de René Berteloot, donne la clé :
« Ce prénom breton devenu mixte,
vient du grec “melanos” signifiant “brun, noir”, comme l’est le pays des mines
et des corons qui en constituent le cadre. Mais c’est uniquement le dernier
chapitre de ce roman autobiographique qui en justifie le sous-titre. En fait,
il décrit comment sa soif de lectures dès son plus jeune âge, les rêves de son
enfance et le soutien de ses instituteurs lui ont permis de devenir un bon
collégien jusqu’à quatorze ans et demi ; contrairement à ses camarades que
la mine a réquisitionnés avec ou sans leur Certificat d’Études Primaires. D’où
leur tendance à le considérer comme un étranger. Toutefois, inévitablement, il
“allait se livrer à la mine comme on se jette à l’eau, ne pouvant reculer” »
(1).
Loin d’une littérature passéiste,
Mélaine est un roman réaliste. Les conditions sociales sont
révélées dans les actions des personnages. Le cheminement singulier de Mélaine prend
valeur générale ; son enfance témoigne de celles des filles et fils du
pays de la mine. Vérité du contenu, exactitude des détails, allégresse de la
narration, tout concorde pour saluer cette édition attentive à la vérité du
roman de René Berteloot.
Geneste Philippe
(1)
Jérôme Radwan, « “Les sentes de ma
vie…” ou : qui est pour les
siens et en quoi se distingue pour chacun de ses lecteurs le paysan français,
Jean Robinet (1913-2010) », (à paraître). La citation de Berteloot,
René, Mélaine, Lyon, éditions
de l’A.P.L.O., 2022, p.276-277.