BILLET Marion, Mon premier livre des couleurs à toucher, Tourbillon, 2022, 6 p. 19€90
Magnifique ouvrage pour les tout-petits, réalisé en tissu, avec de la
feutrine, du velours, du satin, du coton, de la matière à effet cuir. Les pages
en tissus sont reliées entre elles, la lecture est douceur. Centrale dans sa fabrication,
la matière ne l’est pas pour le contenu de l’ouvrage. En effet, comme l’indique
le titre, il s’agit d’éveiller le tout-petit aux couleurs, par la vue,
évidemment, et le toucher ; Le toucher vient à l’appui de la vue.
Les couleurs vont par deux, en général autour d’une couleur primaire, mais
pas toujours : jaune/orange, bleu/vert, rouge/marron, rose/violet, et
enfin noir/blanc avec gris. On incitera donc l’enfant à manipuler le
livre-objet en s’appuyant sur les éléments sensoriels pour introduire le nom
des couleurs, à la manière d’un imagier, mais d’un imagier tactile autant
qu’interactif -au sens où l’enfant et l’adulte dialoguent atour des péripéties
du vagabondage du geste de l’enfant sur le tissu et sur les matières.
Tout en tissu, le livre d’une grande douceur se prête aussi, image par
image, page par page à se raconter une histoire en fonction des paysages et
situations -très simples- figurés. Une vraie réussite, qui allie beauté et
richesse d’explorations possibles avec l’enfant et par l’enfant.
BILLET Marion, Mes Animaux à attraper, Tourbillon, 2022,
6 p. 14€90
Il s’agit aussi d’un livre en tissu avec du papier crissant dans les
éléments, ce qui ne manque pas d’intriguer l’enfant et donc de stimuler sa
curiosité pour le conduire sur la voie de connaissances nouvelles grâce au
dialogue avec l’adulte ou avec un autre enfant plus âgé. Chaque page présente
des éléments qui dépassent (queue, oreilles, pattes) poussant le petit à
manipuler la page et donc à joindre une action tactile voire gustative à la
manipulation de mots. Chat, renard, toucan, cochon, lapin, poisson, crocodile,
voilà qui fait du livre-tissu un imagier propice à l’acquisition du
vocabulaire, même si, comme dans de nombreux imagiers, le mot réfère à une
image et non à l’animal lui-même. C’est une nouvelle belle édition de
Tourbillon pour les tout-petits.
LOUIS Catherine, Oh ! Colette, HongFei, 2022, 24 p.
9€90
Bien que l’éditeur destine l’ouvrage aux tout-petits jusqu’à deux ans, il
serait mieux d’en faire profiter les enfants de 3 à 5 ans. En effet, le très
efficace travail de linogravure de Catherine Louis, que nous avons déjà loué
dans ces colonnes, propose des dessins (petits pois, carottes, banane, salade,
citron, radis, pomme, cerises) en noir et blanc au service d’un propos sur les
couleurs que dénonce l’écriture des mots de couleur (vert, orange, jaune,
rouge). Mettre en correspondance le mot écrit et le dessin stylisé est mieux
adapté aux enfants entrés dans la pensée intuitive qu’à des enfants de 0 à 2
ans.
À cet
album de petit format (15 x 16 cm) fait suite l’excellent Hue ! avec le même bonheur de l’immédiateté de la
lecture du dessin, la juste centration sur une question (ici les couleurs), le
tout agrémenté d’un zeste d’humour lorsqu’apparaît le petit personnage qui
donne son nom à l’album.
On lira avec l’enfant ce livre qu’il pourra tenir dans ses mains sans
risque -les couvertures sont arrondies en leur bordure. C’est qu’un autre
intérêt de l’ouvrage est de présenter, sur une double page, le légume ou le
fruit selon deux points de vue, chacun remplissant une page : entier et
coupé, planté et déterré, en botte ou seul. On comprend combien parler avec le
petit l’aidera à se nourrir de toute la richesse du livre tout carton :
plaisir cognitif, plaisir visuel et une belle réalisation éditoriale.
Dans l’Océan, illustrateur Neil Clark, Tourbillon, 2022,
16 p. 10€90 ; Dans La Jungle, illustrateur Neil Clark, Tourbillon, 2022,
16 p. 10€90
Ces deux ouvrages sont des imagiers commentés. Ils nécessitent
l’accompagnement de l’enfant durant les premières lectures, afin d’étayer les
interprétations enfantines des images et notamment des transformations. Parce
qu’en effet, ces deux livres reposent sur un mécanisme judicieux qui souligne
la figure représentée (pour Dans
La Jungle : le caméléon,
le paon, le lézard à collerette, la tortue, ; pour Dans L’Océan : le diodon, la baudroie, le poulpe, la
raie).
Bien sûr, le choix des animaux, absents de l’univers enfantin, interroge.
Comment l’enfant va-t-il s’approprier ces images ? N’est-ce pas pour lui
l’équivalent d’animaux sortis d’une encyclopédie des animaux fantastiques ?
Ne va-t-il pas voir et suivre des yeux les pages comme on entre et évolue dans
un univers du merveilleux ? Nous pensons que c’est un grief que l’on peut
faire aux deux ouvrages. Toutefois, le foisonnement sans complexité de
l’illustration, les pages fortement cartonnées, les bous arrondis pour que
l’enfant ne se blesse pas, tout cela invite les petites mains à la manipulation
de l’objet livre.
De plus les deux livres convainquent par le procédé de fabrication sur
lequel repose leur originalité. Un mécanisme de languette s’actionne dès qu’on
tourne une page. Si bien que l’animal vu dans un cadre rond se métamorphose en
un état de lui-même différent : le paon fait la roue, la tortue rentre
dans sa carapace etc. Or, on sait combien il est difficile de faire
accepter à des petits et tout-petits que même changé, même transformé, un
animal, un objet demeure identique à lui-même. L’enfant de cet âge n’a pas
encore atteint la conservation. Là, il peut se rendre compte que l’on parle
toujours du même animal, même si l’image le présente sous un aspect différent.
Cache-cache sonore dans la ville, illustrateur Édouard
MANCEAU, Tourbillon, 2022, 8 p. avec animation sonore intégrée 13€95 ; Cache-cache sonore dans la maison, illustrateur Édouard
MANCEAU, Tourbillon, 2022, 8 p. avec animation sonore intégrée 13€95
Ces deux créations des éditions Tourbillon proposent au tout jeune
lecteur ou à la toute jeune lectrice des situations surréalistes (des vaches
installées sur un canapé et derrière ; un canard sous une table, un
éléphant dans un bus etc.) et anthropomorphiques. Sur les pages fortement
cartonnées, des languettes, des caches doivent être actionnés par
l’enfant : un cri de l’animal ainsi découvert se fait alors entendre. Les
deux volumes sont donc des imagiers onomatopéiques. C’est joyeux et on ne peut
que recommander aux parents ou à un adulte d’accompagner l’enfant afin de
donner sa pleine dimension éducative et instructive à ces petits livres très
solides aux bouts arrondis et sans dommage à craindre en cas de choc. Une
nouvelle collection est donc née qui allie l’audition et le toucher par la manipulation.
Philippe Geneste