DESBORDES-VALMORE Marceline, Amour partout ! et autres poèmes, illustré par Julie JOSEPH, Gallimard, 2021, 28 p. 7€50 ; OLIVE Guillaume, Au Fil du temps, illustrations de He ZHIHONG, 2021, éditions des éléphants, 32 p. 14€
Voici deux ouvrages sur l’amour maternel et la relation aux proches. L’un est un recueil de poésies de la poétesse célébrée au vingtième siècle pour sa sensibilité et l’autre est un album qui nous projette en Asie : les deux scrutent le sentiment soit de la mère soit de l’enfant.
L’album est une réflexion poético-philosophique
sur le temps menée à hauteur d’enfant. L’histoire tendre traverse le cycle du
jour et le cycle des saisons, repères premiers de l’enfant car liés à sa vie
biologique mais aussi aux rituels humains dans lesquels la petite fille
s’inscrit sous l’effet de son entourage. La peintre chinoise, He Zhihong,
accompagne l’entrée dans le temps de l’enfant avec la douceur de l’aquarelle et
un dessin arrondi, fixant des émotions de surprises sur le visage de l’héroïne.
L’ouvrage commence par le réveil au matin et s’achève par le moment de
l’endormissement, figurant ainsi l’album dans la fonction d’une comptine
rassurante portée par la relation maternelle.
La même tendresse émane du recueil de poèmes réalisé par la collection « Enfance en poésie ». Desbordes-Valmore (1786-1859), figure féminine du romantisme, joue de la comptine à laquelle elle apporte la solennité de l’alexandrin, ce qui ne va pas sans surprendre parfois. Le recueil a retenu des poèmes doux et gais mais aussi l’usage des vers de onze syllabes, très novateurs à leur époque, ainsi que sa recherche des rythmes annonciateurs de la poésie moderne. Elle, qui perdit quatre enfants, laisse percer, dans ces poésies du cœur, une pincée de peine.
L’ouvrage s’imprègne d’une poésie rêveuse, en approche de
l’enfance comme le travail pictural et graphique de He Zhihong et la
sensibilité d’écriture de Guillaume Olive pour l’album. Les deux ouvrages font
le pari de la simplicité curieuse sinon étrange, et, comme le disait Sainte
Beuve de Marceline Desbordes-Valmore, s’ouvrent à une lecture « élégamment
naïve ». Et, peut-être, plus que tout, les deux ouvrages initient à une
poésie de la sincérité.
THIRY
Mélusine, Amour, amour : après quoi chacun court,
illustrations de GUILLEM Julie, HongFei, 2021, 36 p. 14€50
Dans l’anthropologie
darwinienne, la protection et l’éducation de sa progéniture par la femelle chez
les animaux préfigure le sentiment maternel humain. Ce sentiment est lui-même à
la source de l’amour qui est un élan vers l’autre, vers l’inconnu. Amour,
amour : après quoi chacun court donne consistance à cette
filiation animale de l’être humain, en convoquant différents animaux au moment
de la saison des parades amoureuses.
L’écriture
est structurée par un champ lexical du mouvement de la rencontre :
s’envoler vers, se hâter vers, filer vers, s’élancer vers, trotter vers, sauter
vers, bondir vers, se faufile vers, se rendre vers, appeler, attendre. L’amour
est suggéré par l’orientation de soi vers l’autre, dans le but de la cajolerie,
de l’enlacement, de la caresse, du dorlotage, du baiser, du charme, du câlin,
de l’affection, de l’enchantement, de l’apaisement, du bercement.
LEBOURG
Claire, Premier bonjour, illustrations de Mickaël JOURDAN,
Rouergue, 2021, 40 p. 15€
Voici
un magnifique ouvrage qui se présente comme un voyage le long d’une côte, une
pérégrination d’un phare que quitte son gardien, sa nuit achevée, jusqu’à sa
maison où se réveille son enfant. Si le thème central est l’amour qui unit un
père à son fils, l’amour paternel et l’amour filial donc, celui-ci ne s’impose
qu’aux tris dernières pages. Tout l’album est un mouvement qui épouse l’éveil
de la nature de l’aube à l’aurore puis au point du jour, au lever du jour c’est-à-dire
le délicule. Quelle intelligence de la composition du texte redoublée par
l’illustrations où le jeu des couleurs figure la lumière en conquête sur
l’ombre, avec des dégradés aux effets d’aquarelle, le flou persistant des
contours, une danse autour des couleurs primaires du bleu et du jaune et de sa
complémentaire le brun. Tout le jeu des couleurs tend à l’atténuation, comme
pour mieux épouser le silence matinal. Le rouge est quasi absent car seule sa
complémentaire, l’orange entre en scène dans les dernières pages, le jour levé.
Le choix du papier mat accentue la sobriété d’un récit au texte discret qui
s’ouvre ainsi aux sensations éprouvées de l’attachement dont dépend l’entrée en
relation de l’enfant avec autrui et qui fonde le sentiment de sécurité ou
alors, si l’attachement manque celui de la peur et de l’angoisse.
Philippe
Geneste