HASSAN Yael, La Vie selon Raf. Une rentrée dys sur dix, Tom Pousse, 2023, 155 p. 13€
Ce livre oscille entre paralittérature
et littérature.
De la littérature, il emporte avec lui
une composition rigoureuse, où s’organise un faisceau de faits saisis dans la
réalité scolaire des collèges publics. Le milieu de la bourgeoisie moyenne
inscrit le livre dans une tradition de la littérature de jeunesse qui tend à
camper ses personnages sur le terrain socio-économique de sa cible lectorale.
L’intrigue est professionnellement menée par l’autrice, ménageant, dans la diégèse,
des temps d’intensité qui soutiennent l’attention de la lecture. La narration
vise l’identification du lecteur ou de la lectrice aux héros ou héroïnes et
pour se faire emprunte la première personne ici, un jeune garçon entrant en
sixième.
Cette narration à la première personne
rend le vraisemblable friable tant elle s’évertue, par la volonté
paralittéraire, à livrer des informations documentaires. Celles-ci portent sur
des troubles nécessitant un projet d’accompagnement du narrateur-personnage et
sur des dispositifs de différenciation pédagogiques. Le narrateur-personnage
est dyspraxique mais aussi TDAH (Troubles du Déficit de l’Attention avec
Hyperactivité) et son ami, Alex, est HPI (Haut Potentiel Intellectuel) :
or c’est le narrateur-personnage, élève en classe de sixième, qui explicite ces
troubles… Le discours littéraire simule alors le discours officiel de la
différenciation pédagogique, utilisant adroitement pour cela les interventions
des parents, la description des comportements professoraux, mais il faut bien
avouer que la littérarité ne résiste guère à l’informationnel.
L’exigence de l’édition (« accompagner
les enfants en difficulté d’apprentissage et/ou en situation de handicap »)
est de s’adresser aux préadolescents et préadolescentes dyslexiques par une police
d’écriture adaptée, par le confort des interlignes, et en utilisant un papier
mat. La visée de la collection est de rendre accessible aux collégiens ces
questions au centre de l’école inclusive, « école d’excellence »
« ouverte à tous » diraient les autorités de l’école.
L’autrice nomme les troubles, ne joue pas avec les euphémismes et, en cela,
s’inscrit avec pertinence dans la ligne éditoriale d’AdoDys. Moins
convaincant, toutefois, est le choix de présenter des élèves brillants (Alex
est fortiche en tout, Raf obtient les félicitations du conseil de classe,
Shaïna est excellente en français), des professeurs, hommes et femmes, tout
d’un bloc, soit tolérants soit intolérants, de reprendre le discours dominant
de la différence sans l’interroger selon la multitude des cas de figure liée
aux origines sociales des élèves.
La suite des aventures de Raf est
parue en juillet 2024, sous le titre La Vie selon Raf. Des vacances dys
sur dix, Tom Pousse, 2023, 168 p. 14€.
SIMARD Éric, L’Enrequin,
Syros, collection mini Soon, 2023, 41 p. 4€
La collection Mini Soon s’adresse aux
8-11 ans. La série Les Humanimaux relève en partie de la science-fiction
en ce qu’elle exploite les explorations génétiques sur les êtres vivants. Dans
la série, les humains sont les cobayes d’expériences de croisement entre le
patrimoine génétique humain et celui de certaines espèces animales. Mais
l’aspect scientifique s’arrête à cette généralité. En effet, ce qui intéresse
Éric Simard c’est pour chaque humanimal, créature mi-enfant mi-animale, explorer
une émotion, un sentiment. Chaque personnage est ainsi campé comme un type.
L’enrequin est par exemple une créature soumise à l’agressivité et à la
violence. Le cadre de l’histoire est celui d’un Centre des Humains
Génétiquement Modifiés organisé tel un établissement scolaire.
Toute l’intrigue repose sur
l’interrogation concernant la fatalité des réactions qui animent l’individu.
Dans le récit de L’Enrequin, c’est une relation amoureuse qui va
permettre de dépasser l’atavisme biologique.
Éric Simard est un auteur généreux,
qui croit à la culture et à la lecture pour sortir les cerveaux enfantins et
adolescents des stéréotypies de raisonnement.
ESCOFFIER Michael, Poulain
Poulet Poussin, illustrations d’Ella CHABON, éditions des éléphants, 2024,
20 p. 13€
Ce livre au format (16 x18 cm), aux
bouts ronds est approprié à la lecture par des petites mains. Illustré par un
dessin stylisé, légèrement vintage, de couleurs vives sur un papier glacé, il propose
aux enfants dès deux ans, entourés de leurs parents une histoire allégorique.
Poussin, aimerait bien s’élancer dans le monde, mais l’éducation très
protectrice de papa Poulet le confine dans son poulailler. Vient un jour où
Poulet dormant, Poussin s’échappe et suit Poulain. Il va faire l’apprentissage
des dangers, faire l’expérience de l’entraide, et ainsi s’ouvrir à l’autre
autant qu’au monde. C’est un Poussin transformé qui revient au bercail où
Poulet s’égosillait…
Allégorique, cette histoire animalière
est toute proche du conte.
Philippe Geneste