Causse Rolande, Charlotte
Delbo, poète de la mémoire, Oskar éditions, collection histoire et société, 2015, 190 p.
La parution récente de la deuxième biographie de Charlotte Delbo (1) est
l’occasion d’attirer l’attention des jeunes lecteurs et lectrices sur
l’excellent ouvrage de Rolande Causse qui s’imposera, sans nul doute, dans les
centres de documentation et d’information des établissements scolaires ainsi
que dans les bibliothèques.
Sur la base d’une documentation solide, Rolande Causse retrace la vie et
l’œuvre de Charlotte Delbo (1913-1985), écrivaine engagée, rigoureuse, sans
concession, mais aussi militante communiste, déportée et militante de la
mémoire. Rolande Causse s’appuie sur la biographie de Violaine Gelly et Paul
Gradvoul parue lors du centenaire de la naissance de Charlotte Delbo. Elle
intègre des textes de l’auteure, des extraits de documents. Très érudite, très
précise, la biographie de Rolande Causse ajoute à ce type de travail une
analyse des œuvres. Une chronologie instruite, une bibliographie conséquente,
viennent clore l’ouvrage qui, de bout en bout, reste d’une lecture aisée et
délectable.
Fille d’ouvriers immigrés italiens installés à Vigneux-sur-Seine, elle
devient sténodactylographe. Son ami Henri Lefebvre (1901-1991), philosophe,
l’initie au marxisme. Elle est au parti communiste français quand elle
rencontre Georges Dudach, avec qui elle se mariera. En 1937, elle est embauchée
comme sténodactylo par Louis Jouvet, directeur du théâtre de l’Athénée. Elle
dactylographie les cours qu’il donne et une amitié va se lier entre eux, dans
le partage de la passion du théâtre. Elle part avec lui, en 1941, en tournée en
Amérique latine, mais revient en France pour mener le combat de la Résistance.
Le 23 mai 1942, Georges Dudach est arrêté et fusillé au mont Valérien.
Les nazis remontent le réseau parisien mis sur pied par Politzer. Le 24 janvier
1943, elle est déportée à Auschwitz puis sera transférée à Ravensbrück. Puis
c’est la libération des camps.
Charlotte Delbo va mettre du temps à reprendre pied dans la vie. Elle va
mettre par écrit, d’une écriture poétique, son expérience des camps et celle
des camarades et compagnes déportées. Elle écrit mais ne publie pas. Rolande
Causse explique ce geste longuement. Le manuscrit sortira en 1965 aux éditions
de Minuit sous le titre qui, avec Aucun
de nous ne reviendra, Une Connaissance inutile (1970) et Mesure de nos jours (1971) formera
la trilogie Auschwitz et après.
En 1965, aussi, paraît Le convoi du
24 janvier.
En 1947, elle est secrétaire à l’ONU. Elle reste engagée contre la guerre
d’Algérie, contre l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie, avec Allende
contre Pinochet, avec la révolution des œillets au Portugal. Cet engagement
trouvera dans le théâtre, expérience d’écriture entamée avec Qui
rapportera ses paroles, sa forme privilégiée d’expression : La
Théorie et
la pratique, La Capitulation , La
Sentence , Maria
Lusitania, Coup d’Etat,
La Ligne de démarcation, Et
toi comment as-tu fait ?, Les Hommes.
Il faut, vraiment, souligner le travail exigeant de Rolande Causse qui
s’adapte à la perfection à son public soit des préadolescents bons lecteurs
soit des adolescents.
Philippe Geneste
(1)
Durant Ghislaine, Charlotte Delbo, la
vie retrouvée, Grasset, 2016, 608 p. 24€